Leicester City et la quête de l’impossible

FOOTBALL • Le petit club des Midlands est bien parti pour devenir champion d’Angleterre et réussir l’une des plus immenses sensations du sport moderne; comme dans un conte...

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Grâce à eux, tout est plus léger, inattendu, voire carrément foldingue. Alors les gens de leur quartier se sont mis à les aimer, bientôt suivis par ceux du monde entier, unis dans la joie et la gratitude d’une si belle histoire. Il est une fois Leicester City, et on ne voit pas pourquoi le conter à l’imparfait. Ces gens-là sont parfaits, idéaux. Parce qu’ils nous font croire à l’impossible.

Un vrai miracle

Allo Docteur, délire aigu d’après Pâques? Non, c’est juste l’effet «Lester» (c’est comme ça qu’on prononce). Leicester, le petit Poucet qui, ô divin miracle de la providence qui met son pied au cul de la routine, pourrait coiffer la couronne de champion d’Angleterre au nez de Barberousse et à la barbe de Cléopâtre. Phénoménal, surréaliste, euphorisant, bla-bla-bla. On ne sait plus à quelle épithète ni quel saint se vouer, alors on perd un peu la boule et on bloque dimanche après-midi, y compris s’il fait beau, pour mater Leicester-Southampton.

Iront-ils au bout du rêve? «That is the question», dans tout le royaume et bien au-delà, feuilleton à suivre chaque week-end. Il reste sept matches, les «Foxes» comptent cinq points d’avance sur Tottenham. Les gros poissons comme Arsenal (11 points), Manchester City (15) ou Chelsea (25) semblent perdus dans la nasse. Leicester poursuit sa pêche miraculeuse et la planète se pince. Si on transposait ça dans un paysage helvétique, au printemps 2024, le Stade Nyonnais se promènerait en tête du championnat avec 17 points d’avance sur Bâle.

De l’enfer au paradis

Il y a huit ans encore, Leicester, alors propriété de l’Américano-Serbe Milan Mandaric, avait culbuté jusqu’en 3e division. L’enfer pour un club qui n’avait d’ailleurs jamais franchement connu le paradis (un titre de vice-champion en 1929, trois finales de Cup perdues dans les années 1960, quatre victoires en Coupe de la Ligue quand même). «We drink lager, we hate Derby, we are Lester, Lester City!», beuglaient alors les supporters dans le vieux stade de Filbert Street (1891-2002). «On boit de la blonde, on déteste Derby.» L’histoire d’une rude vie à l’Est des Midlands, dans une ancienne cité médiévale dévisagée par la Deuxième guerre mondiale. Fish and Chips sous la pluie. Et puis Vichai Srivaddhanaprabha est arrivé, en 2010. Qui ça? Pas besoin de répéter, on comprend bien que le bonhomme tombe du ciel. Vichai S., milliardaire thaïlandais, patron des magasins King Power (c’est aussi le nom du nouveau stade), a investi près de 200 millions de francs dans le club - on n’est quand même pas chez Blanche-Neige.

Une baguette magique

Fin du conte? Non. On reste loin des sommes englouties par les mastodontes du foot business. Et l’épopée de Leicester est incarnée par des destins façonnés un jour où les fées n’avaient pas congé. Il y a la fine gâchette Jamie Vardy, qui évoluait encore pour Stocksbridge Park Steels (8e division) en 2010. Il est devenu l’homme sur qui toute l’Angleterre compte pour l’Euro en France. L’infatigable milieu Danny Drinkwater, malgré son malheureux patronyme, l’accompagne désormais en sélection nationale. Il y a aussi la pépite algérienne Riyad Mahrez et le roc franco-malien N’Golo Kanté, qui affolent les plus grands clubs, eux les anciens de Sarcelles et Suresnes, en banlieue parisienne. Et puis un vieux mage italien à la baguette, Claudio Ranieri, tranquille comme un bonze.

«Soyez réalistes: demandez l’impossible», suggérait Ernesto Che Guevara. Voici un an, Leicester City était encore dernier du championnat. Après un maintien miraculeux (sept victoires sur les neuf derniers matches), la magie n’est plus retombée. La tortue, partie trop vite, va finir par s’essouffler, s’est-on dit fin août, mi-novembre et début février. «Lester» court toujours, il reste sept matches. Tiendront-ils jusqu’au bout? En attendant, ils nous font croire à l’impossible.