«Globalement, les Vaudois ne sont pas les plus en vue au parlement fédéral»

POLITIQUE • Les élections fédérales auront lieu le 22 octobre prochain. La députation vaudoise a-t-elle un poids à Berne? Quels sont les enjeux pour le Canton de Vaud? Les équilibres politiques locaux seront-ils chamboulés? Les réponses du politologue lausannois René Knüsel.

Lausanne Cités:D’une manière générale et historiquement, la députation vaudoise aux chambres fédérales est-elle une députation qui «pèse» à Berne?  
René Knüsel:Par son poids numérique, la députation vaudoise à Berne a un poids important. Avec 19 conseillers nationaux, c’est la 3e délégation. Ce premier constat doit cependant être relativisé par la place qu’ils occupent, leur activité et naturellement leur influence. Sur ce plan, la délégation vaudoise est moins en vue que ce qu’elle pourrait signifier proportionnellement. L’influence des conseillers nationaux et des deux conseillers aux Etats dépend de leur capacité à être reconnus par leurs pairs, en particulier dans la défense de certains dossiers.

Comment évaluer cette influence?
Plusieurs indicateurs peuvent être pris en compte, comme le nombre d’interventions à la tribune, le nombre de questions, d’interpellations, de motions, de postulats déposés. 
Le «succès» de ces démarches est aussi intéressant à relever. Le passage dans les médias peut être une mesure de cette influence. De façon générale, le poids de la délégation est contrasté. Il existe indiscutablement quelques ténors qui savent se faire entendre. D’autres conseillers nationaux travaillent plus en coulisses. Mais globalement, ce n’est pas la délégation la plus en vue au Parlement.

Il y a pour ces élections 384 candidats pour briguer un des 19 sièges aux chambres fédérales. C’est un record. Comment expliquez-vous cet engouement?
La possibilité d’être élu(e) est faible. Elle l’est d’autant plus que le nombre de candidats est élevé. Le nombre important de personnes sur les listes s’explique d’abord par la multiplication des listes qui tentent de séduire les électeurs par une proximité d’appartenance. Avoir une liste de jeunes, de femmes d’une couleur politique donnée, permet de grappiller des voix qui pourraient se montrer décisives pour l’obtention d’un siège. Il s’agit par conséquent d’abord d’une démarche tactique, qui n’ouvre cependant pas beaucoup de choix pour l’électeur.
 
La représentation féminine (37%) est en légère baisse dans les candidatures cette année? Les femmes atteignent-elles un plafond dans leur course à l’égalité?
Non, je ne le pense pas. La représentation progresse par paliers successifs. Beaucoup de facteurs peuvent entrer en ligne de compte, en particulier les considérations tactiques. Les partis bourgeois présentent encore des listes déficitaires, voire très déficitaires. L’évolution est plus lente que dans les partis progressistes, mais elle va se poursuivre ces prochaines années.
 
Selon vous, quel est le principal changement, au niveau vaudois, pour ces élections fédérales par rapport à 2019?
Le principal changement concerne la manière de voter pour le Conseil des Etats qui risque de dérouter quelques électeurs puisqu’il s’agit d’une liste unique dans laquelle il faut cocher deux cases au maximum. La pluralité des listes partisanes n’existe plus. 


Il y a 4 ans, les écologistes verts et verts libéraux avaient gagné des sièges. Vous semble-t-il possible de les voir maintenir ou même renforcer leurs positions alors que les enjeux climatiques semblent de plus en plus prégnants?
Dans un système proportionnel, il faut d’importantes mobilisations au sein du corps électoral pour marquer une progression et ainsi obtenir un siège ou le prendre au profit d’un autre parti. Les écologistes avaient connu un succès lors des dernières élections qui pour se confirmer, doit obtenir une mobilisation semblable. Il s’agit certainement d’un mouvement qui aura de la peine à être confirmé, parce qu’il était hors du commun en 2019.

Leur  recul est donc programmé?
Pour mobiliser à nouveau dans les mêmes proportions, les Verts, toutes colorations mélangées, devraient mobiliser un corps électoral qui est assez stable et restreint au demeurant. Les abstentionnistes sont difficiles à motiver sans événement exceptionnel. La crise climatique est entrée dans le quotidien et ne devrait pas avoir la même influence mobilisatrice.  

Au Conseil des Etats, Pierre-Yves Maillard et Pascal Broulis sont candidats pour reprendre les sièges d’Olivier Français et Adèle Thorens. L’élection est-elle pliée au vu de la popularité de ces deux candidats et du duo qu’ils ont naguère formé au Conseil d’Etat vaudois?
Une élection n’est jamais gagnée d’avance. La campagne peut avoir une influence décisive. Malgré la rancune de certains électeurs à l’encontre de l’un ou l’autre des candidats, je ne pense pas qu’une surprise devrait être au rendez-vous. 

Au National, l’extrême gauche qui n’avait aucun siège présente une liste de 19 candidats. A-t-elle une chance de réussir son pari, dans un contexte d’inflation et de hausses des primes maladies?  
Le contexte peut plus ou moins favoriser un parti. La perte du pouvoir d’achat devrait inciter une partie de l’électorat à choisir une liste en dehors des partis traditionnels. Le défi pour l’extrême gauche est toutefois compliqué à relever, même s’il existe un grand apparentement. Les listes d’extrême gauche manquent probablement d’une figure charismatique pour faire élire une personne de leurs listes.


Pour le National toujours, PLR - UDC présentent des listes apparentées sans Le Centre avec lesquels ils sont pourtant alliés pour le Conseil d’Etat. Si on y ajoute que le Centre soutien l’alliance PLR UDC au Conseil des Etats, cette situation peut-elle être comprise par les électeurs et ne risque-t-elle pas de peser sur le poids de la droite dans la députation vaudoise?  
Ici encore les considérations tactiques font loi. Le calcul du Centre part du principe qu’un apparentement à droite au Conseil national leur est mathématiquement défavorable, les voix centristes allant plutôt aider à la conquête d’un siège pour le PLR ou l’UDC. Au décompte final, il est vrai que quelques dizaines ou centaines de voix pourraient manquer à la droite pour le maintien ou la conquête d’un siège. Ces considérations n’ont que peu de poids pour le Conseil des Etats au vu des fortes personnalités en course. Je ne suis pas certain que l’électeur entre dans la subtilité de ces considérations. Cela peut tout au plus ajouter un peu de scepticisme dans l’électorat.