Abolition des forfaits fiscaux: bon ou mauvais pour le canton - «Augmenter les impôts sera inévitable»

Le 30 novembre, le peuple suisse est appelé à voter sur l’initiative «Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires (abolition des forfaits fiscaux)». Réservés aux riches étrangers vivant en Suisse, ces forfaits, dits aussi «impôt sur la dépense» rapportent chaque année 100 millions au canton. Jean-Christophe Schwaab, favorable à l’abolition des forfaits, et Pascal Broulis qui souhaite les maintenir, développent leurs arguments.

  •  PASCAL BROULIS • Ministre PLR des finances / VD

    PASCAL BROULIS • Ministre PLR des finances / VD

Depuis quelques semaines, vous vous impliquez avec beaucoup d’énergie dans la campagne sur l’abolition des forfaits fiscaux... Craignez-vous que l’initiative passe?

J’ai une certaine inquiétude pour le côté alémanique, où les cantons pratiquent d’autres modèles de fiscalité. La population n’y est pas forcément sensible aux spécificités de notre propre modèle...

Comment les forfaits fiscaux s’inscrivent-ils dans le modèle vaudois?

Pour moi, le concept de cette initiative est une entorse au fédéralisme suisse, dont la fiscalité est un pilier fondamental. Sur l’arc lémanique, les cantons sont à vocation touristique. Historiquement, les bénéficiaires du forfait fiscal sont donc d’abord venus chez nous en villégiature, puis ont, un jour, choisi de s’y établir. Comme nous ne sommes pas très attractifs du côté de l’impôt sur la fortune, l’impôt à la dépense est venu pallier ce handicap... Or du côté des initiants, on n’est pas très conscient de cette particularité...

Si l’initiative venait à être adoptée, les bénéficiaires vont-ils vraiment partir?

Certains vont rester, mais beaucoup vont partir. A Zurich, la moitié est partie, alors que l’impôt sur la fortune y est bien moins élevé que chez nous...

Justement, ceux qui vont rester, en n’étant plus soumis au forfait, ne combleront-ils pas le manque à gagner?

Non, j’en suis certain! Le pire des scénarios serait que ces gens se domicilient fiscalement ailleurs tout en gardant, pour l’essentiel, leur vie ici. Ou alors qu’ils s’exilent, soit vers d’autres cantons suisses où la fiscalité est plus avantageuse, soit vers Londres, de plus en plus attractive. Tous les pays pratiquent des impositions du type «forfait fiscal». Discuter de leur abolition chez nous n’aurait de sens que si celle-ci était adoptée au niveau mondial. C’est bien loin d’être le cas!

Si l’initiative passe, comment le canton va-t-il compenser les pertes de rentrées fiscales?

Je n’ai pas de plan B, mais 3 axes sont possibles: baisser les prestations, augmenter les impôts ou creuser la dette. Honnêtement, même si cela risque d’induire des tensions, nous serons contraints de baisser les prestations pour les deux tiers du manque à gagner, et d’augmenter l’imposition pour le tiers restant.

L’argument de la gauche, est que l’imposition forfaitaire est tout simplement injuste...

Un arrêt du Tribunal fédéral confirme que l’imposition d’après la dépense n’est «ni un arrangement fiscal, ni un privilège!». A ce titre, il ne viole donc pas la constitution.

Tout de même, est-il juste qu’à situation égale, un citoyen suisse ne puisse pas bénéficier du forfait fiscal, réservé aux étrangers?

L’imposition d’après la dépense est prévue pour des personnes sans activité lucrative en Suisse. Le but de ce modèle est donc qu’ils dépensent en Suisse. Les citoyens suisses quant à eux bénéficient d’autres modèles qui n’ont rien à voir.