«Je suis sereine et déterminée»

- Cheffe du département des institutions et de la sécurité, la conseillère d’Etat Béatrice Métraux est au front sur de nombreux dossiers.
- Souvent critiquée, la magistrate se dit plus «sereine» que jamais et «déterminée» à mener à bien les réformes dont elle a la responsabilité.
- Politique pénitentaire, logement, cultes, aménagement du territoire... Tour d’horizon d’un gigantesque chantier à l’échelle du canton.

  •  © Valdemar VERISSIMO

    © Valdemar VERISSIMO

«Je suis réservée et je l’assume»

Il y a quelques années, vous affirmiez entamer votre mandat avec «sérénité». Etes-vous toujours dans cet état d’esprit?

Oui! J’ai le sentiment d’avoir bien fait avancer les dossiers dont j’ai la responsabilité. C’est pour moi le plus important. Le tout, avec le soutien du Conseil d’Etat et de mon équipe qui se révèle particulièrement efficace.

Quelle est la dimension de votre fonction que vous n’avez pas anticipée?

Incontestablement, la pression et les sollicitations permanentes des médias! (sourire)

Justement, vous êtes souvent attaquée et on vous reproche même votre discrétion médiatique, alors que certains de vos collègues occupent très bien le terrain...

J’ai un caractère réservé et je l’assume pleinement, même si j’ai intégré la composante «communication» de ma fonction. Mais, l’essentiel pour moi est de travailler, de mener des réflexions, et de faire avancer mes dossiers. Sur ce plan-là, je me sens pleinement au service des Vaudois.

L’un des gros dossiers que vous avez eu à gérer est incontestablement la conduite de la politique pénitentiaire...

Dans ce domaine, les choses ont été laissées en friche depuis une trentaine d’années en Romandie. Les 4 évasions - pour 18 évadés, dont 15 ont été depuis repris - auxquelles j’ai eu à faire face ont bien montré la nécessité de tout revoir, de la vétusté des prisons à la surpopulation carcérale, en passant par la question de la sécurité des établissements. Nous avons agi, aménagé et ouvert quelque 250 nouvelles places de détention en 2 ans, ce qu’aucun autre canton n’avait fait avant nous, avec ce que cela implique en termes de recrutement et de formation du personnel. Le Conseil d’Etat a également présenté en juin dernier la planification pénitentiaire à l’horizon 2025. Elle prévoit la création de nouvelles places, de même qu’un centre de mesures et de prise en charge des troubles psychiques à la Tuilière dès 2017-2018. Construite en 1904, la prison du Bois-Mermet sera également déplacée sur le site des Etablissements de la plaine de l’Orbe.

Et pour la question plus spécifique des évasions?

J’ai fait procéder à des audits interne et externe sur la sécurité. Des mesures ont été prises et des investissements sont également prévus dans les établissements pénitentiaires pour renforcer la sécurité intérieure comme celle extérieure.

L’affaire Marie a particulièrement choqué l’opinion publique. Avez-vous été touchée par les critiques que l’on vous a adressé?

Pour la population, ce qui compte, ce n’est pas de connaître le ressenti de tel ou tel Conseiller d’État, mais de savoir que les autorités agissent. Notre rôle est de prendre nos responsabilités pour faire en sorte qu’un tel drame ne se reproduise plus, même si le risque zéro n’existe pas… Cela dit, qui n’aurait pas été touché par un tel drame et par la peine de la famille?

Vous êtes également en première ligne sur la réforme des tutelles et des curatelles. Pourquoi a-t-il fallu tant de temps pour avancer sur ce dossier?

En tant que députée, j’ai fait partie de ceux qui, déjà à l’époque, déposaient des interpellations pour mettre fin aux curatelles imposées. Nous savions que la situation n’était pas tenable. Mais c’était au fond une question de mentalité. Longtemps dans le canton de Vaud, on a pensé que les solidarités devaient se manifester jusque dans les tutelles... Les choses vont cependant changer en la matière.

Désormais, plus personne ne sera donc désigné tuteur ou curateur contre son gré?

Oui, c’est la décision du Conseil d’Etat, et ce, quelle que soit la suite donnée au niveau fédéral à l’initiative du conseiller national Jean-Christophe Schwaab. Le processus sera donc réformé avec la perspective d’arriver à 50% des tutelles gérées par des professionnels et 50% par les familles, les bénévoles ou autres associations qui souhaitent toujours s’impliquer. Bien entendu, nous renforcerons l’accompagnement de ces curatelles privées.

En 2011, l’Asloca vaudoise a lancé une initiative intitulée «Stop à la pénurie de logements». Pourquoi le Conseil d’Etat a-t-il souhaité lui opposer un contre-projet?

Notre analyse repose sur un constat : le problème n’est pas financier mais foncier, et l’initiative ne répond que très partiellement à cette problématique. Les capitaux sont assez nombreux, ce qui manque, ce sont des terrains, et surtout la volonté de la part des investisseurs de construire des logements répondant aux besoins de tous les Vaudois. C’est donc là qu’il faut agir, d’où notre contre-projet. D’ailleurs, si l’Asloca avait dû rédiger son initiative aujourd’hui, je suis convaincue qu’elle l’aurait fait différemment!

En parlant d’aménagement du territoire, le canton de Vaud n’est pas le plus en avance dans ce domaine...

De longue date, je me suis battue pour un aménagement du territoire qui soit cohérent et au service de la population. Privilégier des zones à bâtir dans des endroits où il n’y a ni école ni transports n’a aucun sens. Il faut avancer sur cette question, mais avec intelligence.

Beaucoup vous reprochent de ne pas vous être suffisamment investie dans les fusions de communes qui connaissent de nombreux ratés...

Je suis très à l’aise sur cette question. Car je me suis systématiquement déplacée dans toutes les communes qui m’ont sollicitée, y compris lorsqu’il y avait des questions politiques graves à résoudre. J’ai même appelé des préfets et des syndics pour leur faire part de ma disponibilité. A plusieurs reprises, ma présence n’a pas été souhaitée. Mais je suis allée partout où on me l’a demandé. Soyons sérieux, quand on enregistre des refus à plus de 80%, je ne pense pas que l’absence d’un Conseiller d’Etat puisse être invoquée! D’ailleurs, si je m’étais plus impliquée, ceux-là même qui critiquent auraient sans doute reproché au canton de mettre à mal l’autonomie communale!

Selon vous quels facteurs expliquent les échecs de fusions observés actuellement?

Il y a autant de facteurs que d’échecs. Mais je pense que lorsque la loi sur les fusions est entrée en vigueur en 2007, ce sont d’abord les petites communes qui sont entrées en matière et ont bel et bien fusionné. En revanche, fusionner un plus grand nombre de communes, ou des communes plus grandes, se révèle forcément plus problématique. Les questions identitaires et d’étendue territoriale se révèlent prépondérantes et demandent du temps pour être résolues. Pour que le processus suive sont cours, j’ai mis en place un groupe de travail chargé de proposer des mesures concrètes pour inciter et faciliter les fusions en répondant aux craintes des opposants.

Reste enfin la question des cultes, dont vous avez la responsabilité, et plus particulièrement des relations avec la communauté musulmane...

Au Grand Conseil, j’ai évoqué cette question en parlant «d’exigence et de rigueur». Les musulmans représentent 4.5% de la population vaudoise, et il ne s’agit en aucun cas de les exclure, bien au contraire. Pour rappel, le canton de Vaud reconnaît des communautés et non des religions. Mais pour obtenir cette reconnaissance officielle, une communauté, qu’elle soit musulmane, évangélique, anglicane ou autre, devra répondre à des critères exigeants fixés par le Conseil d’Etat. Elle devra donc faire la preuve de sa présence de longue date sur notre territoire, de son adhésion au dialogue inter-religieux, de son insertion au sein de la société, du respect de l’ordre juridique suisse dans toute son étendue, etc. Ces critères sont exigeants, mais ils sont justes et garants de notre vivre-ensemble.