«Par mauvais temps, nous ressentons une grande insécurité. Le bateau est toujours saturé et il n’y a aucune sortie de secours»» François, frontalier
A 6 heures 10, le bateau qui débarque à Ouchy en provenance d’Evian est déjà plein à craquer. Il fait encore nuit et, de l’autre côté de la rive, seules les lumières sont visibles. Lors de l’aller à Evian, en revanche, six personnes se partagent les 780 places disponibles du bateau «Leman» de la Compagnie Générale de Navigation (CGN).
Un dialogue de sourds
A cette heure-ci, c’est l’occasion d’admirer le lever du soleil depuis le lac. A l’intérieur, une affiche de promotion pour une couverture sociale attire l’attention: «Frontaliers, et si on faisait un bout de vie ensemble ?»
6h55: débarquement de l’autre côté du lac. Ici, la foule est si dense qu’il est bien difficile pour les six uniques passagers de se frayer un chemin vers la sortie. Au sein de cette masse, François (*) fait la file. Habitant de Thollon-les-Mémises, à une quinzaine de minutes en voiture du port d’Evian, il effectue ce trajet aller-retour quatre jours par semaine depuis deux ans. Avant, il venait de Thonon-les-bains, quand les Navibus effectuaient encore le voyage en 25 minutes (contre 50 actuellement) mais quand il était aussi fréquent de voir des passagers rester à quai par manque de place. «Le problème, c’est qu’il y a confusion entre tourisme et transports publics». Si le trajet Evian-Ouchy ne dure «que» 35 minutes, le bateau qui l’effectue n’en est pas moins également affecté aux loisirs. «Avec un bateau rapide, on fait le voyage en 20 minutes».
Même s’il est Suisse installé en France, son statut de frontalier donne à François l’impression de devoir se tenir à carreau. «Nous ne sommes pas pris en considération et nos revendications ne sont pas entendues.» Des revendications telles que l’augmentation des fréquences de bateaux, ou tout au moins leur adaptation en fonction des horaires de bureaux ou d’écoles de chaque côté du lac.
Un sentiment d’insécurité
Un regard à l’extérieur annonce une journée magnifique. Mais tout n’est pas toujours aussi calme. «Par mauvais temps, nous ressentons une grande insécurité. Le bateau est toujours saturé et il n’y a aucune sortie de secours» (lire encadré). Mal climatisé en été, mal chauffé en hiver, le voyage quotidien à bord de la CGN semble parsemé d’embûches. «Parfois, des gens font des malaises. Heureusement, le bateau est rempli d’infirmières.»
En face, Dimitri (*) renchérit: «Un wi-fi qui fonctionne ne serait pas trop demander non plus.» Lui qui aime profiter de ses trajets pour travailler sur son ordinateur, il regrette de ne pas bénéficier d’une bonne qualité de service internet. «Pour le prix que nous payons, nous méritons un meilleur confort.»
De «sales frontaliers»
Dix minutes avant le débarquement, les premiers voyageurs s’avancent déjà vers la sortie. «Le système de débarquement est tellement lent, avec le contrôle des billets à la sortie, que les gens se dépêchent pour attraper le métro». François retourne à terre et se dirige vers le M2. Quand il arrivera à hauteur de la gare, il y a des chances qu’il se fasse insulter au passage de «sale frontalier», parce que «les lignes sont saturées à cause de lui».