Migrants: Lausanne, la ville idéale?

ASILE • L’occupation de l’Eglise St-Laurent par des demandeurs d’asile menacés de renvoi et l’installation d’un accueil illégal de migrants dans les jardins de Sleep-In à Renens posent une question récurrente au sein de la classe politique: la capitale vaudoise est-elle en train de devenir un Eldorado pour les migrants? Pas si simple!

  •  Les migrants sont de plus en plus nombreux à Lausanne. RTS

    Les migrants sont de plus en plus nombreux à Lausanne. RTS

La formule de l’Eldorado ainsi que la dénonciation d’un certain «angélisme» en la matière vient du Conseiller d’Etat vaudois Philippe Leuba en personne qui expliquait récemment, et en substance, que Lausanne, par son refus d’évacuer l’Eglise Saint-Laurent occupée par des migrants, risquait de motiver la venue de nombreux nouveaux demandeurs d’asile.

Depuis, l’idée d’un appel d’air qui pourrait être créé par une amélioration des conditions d’accueil a largement été reprise au sein de la classe politique vaudoise. «Cette théorie est totalement absurde et c’est une excuse pour ne rien changer. Quand un migrant quitte un pays pour échapper à la misère, il ne choisit pas une destination pour bénéficier de prestations sociales. De toute façon, il n’a aucun moyen de savoir ce qui se passe ici ou ailleurs et il voit souvent Lausanne comme un simple point de passage», rétorque Claire Ansermet, enseignante de français aux migrants au sein de l’association Franc Parler. Et, à la croire, Lausanne offrirait une image plutôt restrictive à un demandeur d’asile en visite: «On manque de près d’une centaine de places d’accueil nocturne et les forces de l’ordre n’hésitent pas à réveiller ou déplacer les gens dans la rue. Il n’y a vraiment rien de confortable dans tout ça. On se demande parfois à quoi cela sert d’avoir une municipalité de gauche à Lausanne. »

Manque de place

C’est d’ailleurs en faisant la même constatation du manque de places que l’association qui gère le Sleep-In, un établissement d’accueil de nuit pour les migrants, a décidé d’accueillir illégalement plusieurs dizaines de personnes dans ses jardins, jour et nuit. Lorsqu’Oscar Tosato, Municipal socialiste en charge de l’action sociale, a demandé l’évacuation du lieu, l’indignation a donc été générale. Etait-ce une mesure visant à redonner à la ville une image plus restrictive? «Pas du tout. Je ne crois pas à l’argument de l’appel d’air. Mais nous ne sommes pas dans une situation où nous devons aider en jetant des sacs de riz et des tentes à un maximum de personnes. Nous tenons à offrir une prise en charge sociale globale sur la durée. Nous ne pouvons pas ajouter autant de bénéficiaires d’un jour à l’autre», explique-t-il. On comprend aussi, même si la Ville ne l’exprime jamais en ces termes, que Lausanne est plus saturée que d’autres cités romandes. Elle aimerait bien donc, qu’une partie de ces migrants aillent, par exemple, profiter de l’offre d’accueil d’Yverdon, Neuchâtel ou Fribourg.

Avenir complexe

Si la ville de Lausanne a prévu d’ajouter bientôt une dizaine de places supplémentaires d’accueil nocturne, rien n’indique que la situation va s’améliorer. Oscar Tosato semble d’ailleurs soucieux lorsqu’il parle de l’avenir: «Nous allons, en outre, devoir trouver des solutions d’accueil pour des dizaines de Syriens et d’Erythréens puisqu’il n’est pas question de renvoyer des humains vers ces pays.» Cet hiver d’ailleurs, un nouvel abri supplémentaire a déjà discrètement été ouvert pour s’assurer que personne ne doive dormir dans le froid. «Mais il faut que les associations et le grand public comprennent qu’on ne veut pas remplir nos bunkers de migrants chaque nuit. Ce n’est pas une condition digne que nous leur offririons et nous ne serions pas en mesure de les prendre réellement en charge socialement. Ces gens méritent plus que ça et nous leur offrons bien davantage aujourd’hui», conclut Oscar Tosato.