Lausanne sous la plume d’Abigail Seran

RENDEZ-VOUS AVEC UN ECRIVAIN - Durant tout l’été, les meilleures plumes romandes vous offrent chaque semaine un texte inédit sur la ville de Lausanne. Cette semaine, Abigail Seran.

Mes premiers souvenirs remontent aux décennies où les rues piétonnes n’avaient pas encore pris leurs aises au centre-ville, quand Lausanne était LA virée shopping une ou deux fois l’an avec mère et sœur. Expédition pour dénicher d’autres vêtements que l’on ne trouvait pas dans mon Valais natal. On laissait la voiture à la Riponne ou à Ouchy, on prenait la ficelle et on allait dans ces enseignes dont les petites villes périphériques ne bénéficiaient pas encore. Je garde de ces années le goût des défilés de mode en rentrant les bras chargés de paquets et le plaisir, qui durait plusieurs jours, d’arborer de nouvelles tenues très à la mode faisant écarquiller les yeux des copines.

Au moment du choix de mes études, Fribourg l’a, de peu, emporté sur Lausanne. Mais mes envies de bord du lac ne m’ayant pas quittée, diplôme en poche, c’est dans la capitale vaudoise que mon époux ainsi fraîchement nommé et moi, avons posé nos cartons. Un appartement sous les toits, à quelques encablures de la gare, à quelques pas du marché d’où le samedi nous rapportions des tournesols qui prenaient le soleil sur le bar de notre salon, divinement plus tard que de là d’où je venais, là où les montagnes imposent l’ombre bien avant que la nuit tombe.

Premiers pas professionnels place St-François. Tailleurs stricts pour quelques passes d’armes juridiques. Et l’apprentissage de cette ville un brin tordue qui mit au défi mon sens (fort peu développé il faut bien l’avouer) de l’orientation. Sauvée grâce au Léman, boussole fixe ne m’ayant jamais empêchée de me perdre, mais bien souvent aidée à me retrouver. Lausanne, abri de mon nouveau monde adulte, de ma toute jeune liberté économique, des mes ambitions et mes envies. Que je délaisserai légèrement pour habiter sa proche banlieue à l’heure d’agrandir la famille. Lausanne et son centre hospitalier, à qui je dois la vie et un enfant vif, que j’amènerai au Conservatoire les jeudis soir et qui, un jour, me demandera, fasciné de me voir si facilement y circuler, si, dans ma tête, il y avait tout le plan de cette grande ville. «Oui» lui répondrais-je pleine de fierté. Lausanne devenue territoire ami.

L’enfant a grandi et pour retrouver ma vallée d’origine, j’ai quitté les rues lausannoises, sans oublier au passage, de leur rendre un vibrant hommage intitulé «d’écrire ma ville, Lausanne», ouvrage écrit à 224 mains.

Malgré mon départ, à Lausanne, j’ai laissé des essentiels. Tous mes médecins, quelle que soit leur spécialité et prenant soin depuis un quart de siècle de ma petite personne, reçoivent encore mes visites régulières. Et mon grand fils, avec qui nous avons tant arpenté les rues en pente, les toboggans de magasins de souliers, les quais lors de courses populaires, est revenu s’y installer pour ses études. Et puis, sagement rangés, dans une grande librairie place Pépinet, demeurent mes livres souvent habillés d’un bandeau amical de libraires bienveillantes. Elles gardent ainsi un peu de moi, en quelques mots, dans cette ville presque mienne, Lausanne.

«Le Big Challenge»

Abigail Seran est une écrivaine franco-suisse. Chroniqueuse, romancière, variant les genres et les approches, elle aborde avec humour et dérision les enjeux de société que sont la santé et la pratique du sport dans son dernier roman, «Le Big Challenge», paru chez BSN Press. Nicolas, jeune quadra, papa et mari, après avoir constaté le chiffre indécent affiché sur la balance, calcule son IMC. Avec effroi, il se découvre largement en surpoids pour ne pas dire obèse. Il décide d’y remédier en secret et s’inscrit à un programme d’amaigrissement collectif peu élégamment intitulé Le Big Challenge…