Deal nocturne à la rue de Bourg: des habitants désemparés!

- Depuis de longues années, la rue de Bourg est le théâtre d’un trafic de drogue qui génère un fort sentiment d’insécurité.
- Si le phénomène a pu être endigué de jour grâce à l’action policière, la rue redevient le royaume des dealers la nuit venue.
- Des habitants s’insurgent  et déclarent se sentir «abandonnés

  •  «Dès 22 heures,  la rue appartient aux dealers». Verissimo

    «Dès 22 heures, la rue appartient aux dealers». Verissimo

  • Agréable et marchande le jour, la rue de Bourg change de visage la nuit tombée. Verissimo

    Agréable et marchande le jour, la rue de Bourg change de visage la nuit tombée. Verissimo

«Dès 22 heures, la rue appartient aux dealers»

Une habitante de la rue de Bourg

À la rue de Bourg les jours passent et les nuits se ressemblent. Angoissantes pour un certain nombre d’habitants qui ont contacté - séparément - la rédaction. Et pour cause. Le jour, tout n’y est que luxe calme et volupté, le soir, deal et insécurité. La nuit venue, la prestigieuse rue commerçante de Lausanne prend en effet des airs d’artère de seconde zone, livrée au trafic de drogue.

Sentiment d’abandon

«Dès 22 heures, sauf les jours où il pleut, témoigne Françoise*, une riveraine âgée de 40 ans, la rue appartient systématiquement aux dealers, et sur toute sa longueur. Ils ne sont a priori pas dangereux même si une fois, l’un d’entre eux m’a suivie dans la cage d’escalier de mon immeuble. Toujours est-il que maintenant, je rase les murs en rentrant chez moi, sous leur regard insistant. D’ailleurs quand je sors le soir, je m’arrange toujours pour me faire raccompagner».

«Ce qui est difficile à supporter, témoigne un autre habitant du quartier, c’est le sentiment d’abandon que l’on ressent. On a l’impression que les pouvoirs publics ne s’en préoccupent pas du tout. Nous ne sommes pas des enseignes de luxe, mais en tant que citoyens, nous payons aussi nos impôts. J’ai longtemps habité aux Pâquis, le quartier «chaud» de Genève et la police y patrouillait jour et nuit. Ici, rien!»

«Bien sûr que je suis au courant de ce problème car il m’arrive de me rendre à mon commerce le soir. Et je constate bien que c’est un lieu où il fait bon vivre pour un dealer. C’est hélas une situation que l’on vit depuis toujours et visiblement pour toujours», soupire, un rien désabusé, Claude Jutzi, patron de la bijouterie Bucherer et président de l’association des commerçants de la rue.

Un vieux combat

Il y a plus de six ans déjà, l’association levait en effet le ton pour dénoncer l’insécurité qui prévalait dans la célèbre artère et qui indisposait riverains et clients. Depuis, la situation a tout de même évolué, et à la faveur du redéploiement des forces de police il est désormais bien rare d’y rencontrer un dealer en cours de journée. La nuit en revanche...

«Le problème du deal n’est certainement pas propre à Lausanne, et qui dit dealers dit acheteurs, tempère Claude Jutzi. Il est vrai que ce n’est pas une question aisée à résoudre, mais j’appelle tous les riverains à me contacter afin que l’on relaye leurs doléances à la Municipalité et que l’on obtienne gain de cause».

Tous les regards se tournent donc vers la Municipalité qui semble bien au fait du problème et affirme mener une «évaluation permanente de l’évolution de la situation pour adapter les dispositifs aux évolutions qui seront constatées dans le centre-ville». «La police de Lausanne mène diverses actions en civil et en uniforme pour lutter contre le trafic de stupéfiants dans ce secteur, détaille ainsi Pierre-Antoine Hildbrand, le Municipal en charge de la police. Elle assure des patrouilles régulières afin de déstabiliser les dealers et mène des actions ciblées aux périodes où ils sont le plus nombreux. Des interpellations de trafiquants ont régulièrement lieu.

Horaires de police adaptés

Et d’ajouter, plus précisément à propos du phénomène de deal nocturne: «Les horaires des policiers de proximité ont été adaptés afin d’assurer une présence plus soutenue dans le secteur de la rue de Bourg en soirée. Des interdictions de périmètres sont régulièrement prononcées à l’encontre de personnes participant à des transactions portant sur des stupéfiants. La police entretient des contacts réguliers et soutenus avec les commerçants de la rue de Bourg qui connaissent les policiers responsables de ce secteur et à qui ils peuvent faire appel lorsqu’ils constatent des comportements suspects dans le domaine des stupéfiants.»

Une action insuffisante

Pour le conseiller communal Axel Marion, l’action policière à elle seule ne saurait être suffisante. «C’est vrai, casser le deal est très difficile, c’est un vrai travail de Sisyphe, surtout si la justice ne suit pas, observe-t-il. La Municipalité doit utiliser ses relais aux niveaux cantonal et fédéral pour obtenir un durcissement du cadre légal et je n’ai pas l’impresson qu’elle est très proactive là-dessus.»

Françoise, pour sa part, désespère de voir venir le moindre changement et sa décision est prise. «Ce qui est en théorie extraordinaire est aujourd’hui banalisé. Du coup, je ne me vois pas rester ici des années et je déménagerai dès que je trouverai un appartement ailleurs».* Identité connue de la rédaction