De l’art de l’interprétation

  • Lena Lio, Députée UDC au Grand Conseil vaudois

    Lena Lio, Députée UDC au Grand Conseil vaudois

Ainsi, vingt-quatre ans après le fameux dimanche noir de Jean-Pascal Delamuraz, la Suisse a connu son vendredi noir du 16 décembre 2016: ce jour-là, la majorité du Parlement adoptait une prétendue loi d’application de l’initiative contre l’immigration de masse, calibrée pour sa compatibilité avec la sacro-sainte libre circulation des personnes. Une disposition de ce type, prévoyant simplement la préférence indigène en matière d’emploi, aurait pu être adoptée beaucoup plus tôt, même en l’absence de l’initiative du 9 février 2014, car elle n’a en réalité aucun rapport avec l’article constitutionnel qu’elle est censée mettre en œuvre. Or, tout au long de la session d’hiver, on entendit répéter que le Parlement était dans son rôle en interprétant la volonté du peuple. Ainsi, lorsque ce dernier accepta un article constitutionnel, demandant l’instauration de plafonds et de contingents, il fallait interpréter qu’il ne voulait ni plafond ni contingent. Et là où la Constitution précise que « la Suisse gère de manière autonome l’immigration des étrangers », il faut interpréter que la Suisse renonce à gérer l’immigration, en exigeant simplement que les entreprises déclarent leurs postes vacants aux Offices régionaux de placement. Les conséquences de cette trahison burlesque sont d’ores et déjà limpides. Les statistiques montreront que la loi n’aura aucun effet, ni sur l’immigration ni sur l’emploi. Et les sondages d’opinion révèleront la déception d’une population qui n’aura constaté aucun des progrès espérés, ni dans le domaine de l’accès au logement, ni en matière de surcharge des moyens de transport.

Alors, le temps sera venu de faire à nouveau voter avec succès le peuple suisse, mais sur un texte qui, cette fois, ne laissera place à aucune marge d’interprétation. On hésite à remercier la conjuration antidémocratique, majoritaire au parlement, qui en a si bien préparé la voie.