Elle casse les clichés de la précarité

AIDE SOCIALE • La photographe et auteure lausannoise Ghislaine Heger est allée à la rencontre des bénéficiaires de l’aide sociale afin de découvrir qui ils étaient et comment ils étaient tombés dans ces situations de précarité. Son travail fera l’objet d’un livre et d’une exposition.

  • Un œil acéré sur une problématique complexe. GHISLAINE HEGER

    Un œil acéré sur une problématique complexe. GHISLAINE HEGER

Après s’être elle-même retrouvée à l’aide sociale durant quelques mois alors qu’elle traversait une période de chômage, Ghislaine Heger s’est rendu compte à quel point tout le monde pouvait être concerné par une situation d’urgence financière. «J’ai rencontré des personnes hautement diplômées, des jeunes, des moins jeunes. Tous les parcours de vie sont différents, mais souvent des événements dramatiques se sont enchaînés pour se terminer dans le bureau de l’aide sociale. Cela dit, parfois il s’agit aussi d’un mauvais passage avant de rebondir», décrit Ghislaine Heger.

D’où le titre du livre qui sortira ce printemps: «Itinéraires entrecoupés». On y trouve plus d’une vingtaine de portraits et autant de récits. En avril, une exposition sera lancée au Forum de l’Hôtel de ville avant de faire le tour du canton de Vaud. «Honnêtement, je pensais aussi que l’aide sociale était surtout destinée à des personnes d’origines étrangères ou des gens aux parcours très particuliers. Donc je suis vraiment heureuse de pouvoir permettre une prise de conscience à d’autres que moi !», ajoute-t-elle.

Une histoire marquante

Si toutes les rencontres ont naturellement profondément marqué Ghislaine, elle se souvient d’abord d’une femme qui, à quelques années de la retraite, est tombée gravement malade. «Une fois guérie, elle espérait pouvoir retrouver du boulot, mais ça n’a pas été le cas. Tout ce qu’elle avait construit économiquement avec ses diplômes et sa carrière s’est effondré. Une fois à l’aide sociale, il faut vendre sa voiture, utiliser toutes ses économies si elles dépassent 4 000 francs et son troisième pilier. Se dire que l’on devra ensuite affronter la retraite dans ces conditions doit être très angoissant.»

Il faut d’ailleurs souligner le courage de toutes les personnes qui ont accepté de témoigner dans cet ouvrage. Il n’est pas forcément évident d’ouvrir la porte de son appartement à une photographe et de poser à visage découvert alors que l’on est, depuis peu, dans une situation particulièrement précaire.

Pas une fatalité

L’idée défendue par ce projet qui voudrait que l’aide sociale peut n’être qu’un passage dans un parcours est particulièrement d’actualité à Lausanne. Pendant près de 20 ans, les dépenses liées à l’octroi de l’aide sociale n’ont cessé d’y augmenter, tout comme dans le reste du canton. Toutefois, depuis 2013 et un premier infléchissement de cette tendance, la baisse enregistrée en 2014 se confirme en 2015, notamment due à un retour à l’autonomie plus fréquent. Un message d’espoir qui permet de mettre une touche positive dans les récits souvent tragiques des bénéficiaires de l’aide sociale. «J’espère que tout cela permettra d’ouvrir le dialogue notamment avec les personnes qui sont persuadées que l’aide sociale profite uniquement à des fainéants qui roulent en voitures de luxe», conclut en souriant Ghislaine Heger.