Bali, l’île des dieux

EXOTISME • Peu d’endroits, sur la planète, possèdent un tel pouvoir d’évocation: toute une imagerie d’étranges divinités figées dans la pierre, de rizières étageant leurs miroirs sous les cocotiers.

Evoquant Bali, certains inconditionnels du Sud-Est asiatique véhiculent le fantasme d’un ultime paradis terrestre. D’autres nuancent le tableau en avançant que l’île s’est trop ouverte au tourisme; seules quelques reliques témoigneraient encore de son charme exotique. Il suffit pourtant de s’éloigner quelque peu des établissements balnéaires - au demeurant somptueux, pour les plus huppés - et s’immiscer dans l’arrière-pays. On y découvre alors des pépites. C’est ce que font les voyageurs curieux, prêts à louer un véhicule (mieux encore - compte tenu du réseau routier - à engager guide et chauffeur) pour élargir leur horizon. Leur récompense: la grande diversité d’un environnement encore préservé, le contact avec une population au sourire légendaire, la visite d’ateliers de peintres ou d’artisans – céramistes, ébénistes, sculpteurs - dont l’habileté surprend. A cela s’ajoutent quelques délices culinaires savourés à des tarifs pour le moins abordables et une incroyable offre de soins de bien-être dans d’innombrables spas.

Modernité

Edmée, une Suissesse amoureuse de l’île depuis plusieurs décennies, confirme que la quête de l’authenticité impose désormais d’emprunter les chemins de traverse: «On se retrouve sur des voies très étroites, dans une végétation en folie. GPS bienvenu, à moins d’accepter de se perdre... ce qui constitue souvent le meilleur moyen de débusquer des merveilles!»

Et de noter que les scènes de jadis - bœufs pataugeant dans les plantations, processions chamarrées – doivent désormais composer avec les engins agricoles mécanisés et ces myriades de motos - majoritairement japonaises – que des gamins souvent non-casqués pilotent tant bien que mal au nez et à la barbe de policiers peu regardants. Les sonorités du gamelon se mêlent désormais à celles des klaxons et des téléphones mobiles.

«Je me souviens de ces ablutions de fin d’après-midi, où femmes et hommes se lavaient séparément, nus, au ruisseau. L’avènement de sanitaires privés aura-t-il bientôt raison de cette ingénuité?», s’interroge notre compatriote. Elle évoque aussi ces innombrables cérémonies de mariage ou de crémation, fascinantes pour les Occidentaux. «Elles existent encore, bien entendu; leur prévision dépend du calendrier lunaire. Certaines agences fournissent des tuyaux aux intéressés».

Photogénie

L’avènement du prétendu progrès n’a heureusement guère affecté ce que les esthètes attendent d’une incursion sur territoire indonésien: son exceptionnelle photogénie. «Il est très tendance de louer une bicyclette sur les contreforts du volcan Batur pour rejoindre la plaine sans trop d’efforts», relève Dharma, natif d’Ubud (la cité des artistes) et organisateur d’aventures en rafting. «Le paysage est enchanteur. Les participants mettent pied à terre pour des selfies sur fond de rizière, de forêt tropicale ou de temple squatté par les singes».

On s’arrête pour reprendre des forces dans une cantine dominant une gorge profonde, tapissée d’une jungle d’où émerge le rugissement de tronçonneuses (il reste encore de précieuses essences à braconner). Au menu: l’omniprésent nasi goreng (poulet et œuf sur du riz, dont les autochtones seraient les plus grands consommateurs mondiaux).