A cheval sur sa baguette magique

CHRONIQUE • Simon Ammann, croisement d’Icare et de Guillaume Tell, pointe le bout de ses spatules quand approchent les Jeux olympiques. Après un ultime envol à Sotchi, il pourra tirer la prise.

  • Simon Ammann, un croisement entre Icare et... Guillaume Tell. DR

    Simon Ammann, un croisement entre Icare et... Guillaume Tell. DR

  • Simon Ammann, un croisement entre Icare et... Guillaume Tell. DR

    Simon Ammann, un croisement entre Icare et... Guillaume Tell. DR

Lundi 6 janvier, le premier d’une année sportive qui s’annonce «planturique et gargantueuse», ça aurait déjà pu être l’Epiphanie sur le gâteau. Finalement pas de bol, Simon Ammann s’est cassé les dents sur la fève autrichienne (Thomas Diethart, météorite de pas encore 22 ans, alias le gravillon dans la couronne).

Le Saint-Gallois aurait pu devenir le premier sauteur à skis suisse à remporter la Tournée des quatre tremplins, grand classique du sport blanc, mais caramba, pas plané assez loin. Valeureux troisième de cette édition, comme en 2007, le «Simi» national pédale à tire-d’aile derrière le seul titre qui manque encore à son palmarès stratosphérique. Ce rêve, il l’avait déjà caressé en 2009 et 2011, alors dauphin de deux autres Autrichiens, Wolfgang Loitzl et Thomas Morgenstern; ce rêve, il s’est peut-être définitivement envolé lundi dans les relents de vin chaud et de saucisses tièdes à Bischofshofen - essayez, juste pour rire, de le prononcer en dégustant une tourte de Linz.

Simon Ammann, 32 ans, ne gagnera sans doute jamais la sacro-sainte Tournée. Tache de gaspacho sur le revers du smoking? Voile de tristesse sur la carrière finissante d’un champion d’exception? Tout le contraire.

Lumière

Nous, ce qu’on a vu dans le ciel de Bavière ou du Tyrol, c’est de la lumière. Le grand retour en fine de la mésange du Toggenburg, réglée comme un coucou. An de grâce 2014, année olympique, Simon Ammann pointe comme par miracle le bout de son bec. Pile à l’heure, il volait plus loin que tout le monde le 29 décembre à Oberstdorf, chose qui ne lui était plus arrivée depuis trois hivers.

Notre petit doigt le verrait bien remettre la compresse le mois prochain aux Jeux de Sotchi - à vos souhaits! Vœux de bonheur et pronostic de pacotille certes, tant l’effet boomerang est désormais connu: tous les quatre ans, même si ça avait fait plouf à Turin en 2006, Simon Ammann revient, porté par un vent que lui seul connaît, prêt à fondre sur son graal olympique. Deux fois l’or en 2002 à Salt Lake City, propulsé à 20 balais et en quelques bonds de la ferme familiale à la gloire éternelle.

Harry Potter

Un manteau tendance, des lunettes idoines, un don évident pour raconter les belles histoires, une faculté rare à capter l’image, et voilà que la presse américaine le surnomme Harry Potter, ça crépitait de partout. Deux fois l’or à Vancouver en 2010, la confirmation d’un phénomène aux contours surnaturels, l’aboutissement d’un homme qui sut faire de la décontraction son principal atout.

Aboutissement, du moins le pensait-on avant de se rendre compte que l’apogée, c’était pour bientôt. Pour ceux qui ont suivi, à Sotchi - santé! Simon Ammann, ce si drôle d’oiseau, étonnant croisement d’Icare et de Guillaume Tell, génie de plume et type en or, reste pour l’instant mystérieux sur son avenir d’athlète - stop ou encore?

Avant Roger Federer ou Fabian Cancellara, c’est un autre géant du sport helvétique qui va très probablement laisser tout drôles les collectionneurs de lauriers et autres agitateurs de cloches les soirs de triomphes. Oui, notre petit doigt, décidément bavard, pense que Simon Ammann n’est pas loin de tirer la prise. Et qu’il le fera sur un ultime coup d’éclat aux Jeux, lui, le Seigneur des anneaux, bille en tête et feu aux pieds, à cheval sur sa baguette magique.