«Dans dix ans, tout le monde défendra Taoua!»

- Dans le dossier Taoua, les camps politiques sont désormais clairement positionnés.
- Défiant les règles habituelles, il a suscité des alliances surprenantes.
- Membre d’un parti divisé sur la question, Daniel Brélaz explique pourquoi il défend le projet.

  •  Pour Daniel Brélaz, la construction de Taoua peut aider à pérenniser le site de Beaulieu. VERISSIMO

    Pour Daniel Brélaz, la construction de Taoua peut aider à pérenniser le site de Beaulieu. VERISSIMO

Lausanne Cités: Le PS et le PLR d’un côté, les Verts et l’UDC de l’autre...Taoua divise et suscite des alliances plutôt surprenantes...

Daniel Brélaz: Le PS et le PLR, avec une partie des Verts, ont estimé que cette tour était à 100% utile pour le développement de la ville. Que les logements qu’on prévoit d’y construire allaient tous être occupés, que ce serait également le cas des bureaux et que le besoin hôtelier serait pleinement satisfait. On est là dans la continuation de l’esprit Métamorphose et du développement de la ville avec, on l’espère, la réalisation future du m3, l’arrivée du tram au Flon ou encore la pérénisation du site de Beaulieu.

A l’opposé, il y a une sorte de tutti frutti, un mélange de peur face à l’évolution esthétique de Lau- sanne et, plus généralement, d’une ville qui se développe. Si on aborde plus dans le détail la motivation des opposants, il faut d’abord savoir que l’UDC a complètement changé de position sur le sujet. Avant 2011, elle était unanimement pour. Avec l’arrivée, en son sein, de 2-3 «riverains» opportunistes, elle a modifié son approche pour se retrouver résolument dans le camp du «non». Parce qu’il a soudainement été décidé de se profiler contre le site même de Beaulieu, de même que contre tous les projets défendus par la Ville. L’UDC est suivie en cela par la Gauche, qui s’oppose par nature au grand capital, et par une partie des Verts.

Une autre surprise effectivement, votre parti est divisé sur le sujet....

Effectivement, en trois camps. Celui qui comprend ce que j’appellerais les anti-développement primaires de Lausanne, une poignée de gens, le camp de ceux qui considèrent que cette tour s’inscrit parfaitement dans la ligne de développement de la ville et que ce projet ne pose pas de problèmes particuliers, et un camp qui a finalement estimé qu’il y avait plus d’arguments contre que pour et qui, au final, s’y oppose essentiellement pour des questions esthétiques.

Nombre d’experts s’accordentpourtant pour dire qu’une tour et un non-sens écologique...

Il ne faut faire des tours pour faire des tours et je ne suis pas pour 100 tours à Lausanne. Aujourd’hui, il y a deux projets en cours, celui de Beaulieu et, potentiellement, celui de la tour Guizetti, au bout de la Blécherette, pour lequel une écrasante majorité des Verts s’est montrée favorable, alors qu’elle est pourtant beaucoup plus massive que celle prévue à Beaulieu.

La tour, ce n’est pas une obligation écologique. Mais vous avez un site qui est Beaulieu, avec un projet unanimement reconnu par le jury comme étant le meilleur, avec la construction d’un tas de jardins, d’un parvis agréable, le tout entouré de bâtiments couchés qui ne dépassent pas 1 étage. Qu’on ne vienne pas me dire que c’est un choix déraisonnable...

Dans le fond, la raison d’être de Taoua ne réside-t-elle pas dans la nécessité de sauver Beaulieu?

Je n’irais pas jusque-là! La tour n’est pas indispensable à la survie de Beaulieu. Par contre, sa construction marquerait un attachement à un site qui est lausannois. Elle serait un signe de confiance pour les investisseurs. Ce serait des fonctionnalités en plus et un atout non-négligeable pour la construction du futur m3. Enfin, pour les Bâlois qui gèrent Beaulieu aujourd’hui, ce serait un encouragement à investir, notamment sur les Halles nord. Cela montrerait clairement le dynamisme de la Ville. C’est plus psychologique qu’autre chose, mais c’est sûr que la réalisation de la tour peut favoriser la pérennité du site.

Quel risque politique pour la Municipalité si le projet est rejeté?

Il est à peu près égal à zéro. Un projet rejeté parmi les dizaines d’autres qui ont été acceptés. Si on veut soupçonner la Municipalité, il faut le faire lors des élections, pas sur la base d’un projet.

Cette nouvelle polémique liée à l’urbanisme ne prouve-t-elle pas in fine que Lausanne a du mal à endosser ses habits de métropole?

Pas du tout! C’est un phénomène récurrent. Quand il s’est agi de construire les Galeries du Commerce en 1905, il y a eu une mobilisation générale contre le projet. En 1930, il en a été de même avec la tour Métropole.

C’est une réalité humaine, une sorte de réflexe conservateur: on s’oppose par peur du futur. Mais l’expérience montre que les objets contestés, dès qu’ils ont été construits, ont très rapidement suscité l’adhésion de tous parce que peu à peu ils ont fait partie du paysage. Dans dix ans, tout le monde défendra la tour Beaulieu comme un élément du patrimoine lausannois... si le «oui» l’emporte en avril prochain, bien sûr!