Le commerce de détail a du plomb dans l'aile

TOURISME D’ACHAT • «Swiss Retail Federation», l’association faîtière dans le commerce de détail, déplore une stagnation dans son secteur et une situation en trompe-l’œil en Suisse romande. Rencontre avec son directeur.

  • Adrian Wyss, directeur de Swiss Retail Federation.

    Adrian Wyss, directeur de Swiss Retail Federation.

Lausanne Cités: En Suisse, l’économie se porte-t-elle mieux qu’ailleurs?

Adrian Wyss: Les signes d’une déflation sont là: le niveau des prix des biens et des services est, depuis un certain temps, en régression. Dans toute la Suisse, nous avons tous les jours des annonces de délocalisations de productions ou de fermetures d’entreprises. J’ajoute que le tourisme d’achat montre des signes inquiétants dans certaines régions, que ce soit au niveau de l’emploi ou de la formation.

 

Pour autant ce problème, propre aux régions frontalières, n’est pas nouveau. En quoi cela impacte-t-il spécifiquement la Suisse romande?

Dans la région lémanique, il y a toujours eu du tourisme d’achat mais depuis la baisse de l’euro, nous avons affaire à un phénomène nouveau. Le tourisme d’achat a évolué en tourisme de loisirs. Aujourd’hui, des consommateurs de tous les cantons partent faire leurs achats à l’étranger. C’est comme si toute la Suisse était devenue une zone frontière! Les frais liés aux véhicules ou à la pollution ne sont pas pris en considération. Le paradoxe, c’est qu’en Suisse on veut gagner les salaires les plus hauts possibles alors qu’environ 11 milliards de francs suisses, soit 10% du chiffre d’affaires des commerces de détail, sont dépensés chaque année en France voisine.

 

Une stabilisation du franc à 1,10 franc pour 1 euro permettrait-elle au bassin lémanique de s’en sortir?

Lors de l’introduction du taux plancher à 1,20 franc, déjà, les achats à l’étranger étaient très élevés, mais l’on pouvait constater une certaine stabilisation. Depuis la décision de la Banque nationale suisse de supprimer le taux plancher, la situation s’est nettement dégradée et on enregistre une hausse des achats dans les pays voisins de 7%. Je pense malheureusement qu’un taux plancher à 1,10 franc n’apportera guère d’améliorations. Les détaillants doivent réduire drastiquement leurs marges alors que dans le même temps, les loyers et les salaires restent élevés. Et eux, se paient en francs suisses!

 

Finalement, ne faudrait-il pas un acte citoyen de la part de la population pour «sauver» l’économie suisse?

Ce qui compte pour les entreprises compte évidemment pour les consommateurs. Je verrais d’un bon œil les citoyens réfléchir à la situation actuelle et à l’endroit où l’argent gagné ici est dépensé. Chacun peut contribuer à garder notre standing, nos emplois et nos places de formations. En peu de temps, le commerce de détail a perdu plus de 6000 emplois.

Le danger du «online shopping»

BD • Comment résiste le commerce de détail, à l’heure du commerce électronique (E-commerce), où l’on parle taux de conversion, panier d’achat, publicité en ligne et référencement? Mal, répond Adrian Wyss, le directeur de Swiss Retail. Le commerce en ligne bouscule les habitudes des consommateurs et provoque un changement de paradigme. «Aujourd’hui, les moyens ou grands commerces ne peuvent absolument plus se passer d’avoir un E-commerce en complément de leurs magasins traditionnels.» Et ce, même si leur activité sur le web n’est pas rentable! Mais, plus encore, ce qui inquiète Adrian Wyss, c’est que le «online shopping» s’est globalisé et les achats s’effectuent à l’étranger. Du coup, la Suisse perd énormément de richesses, étant donné que l’argent gagné ici est dépensé à l’étranger, et manque au final dans les caisses des commerces locaux.»