«Trop de doux rêveurs dans le métier!»

RESTAURATION • Le 1er juillet prochain, Gilles Meystre prendra la présidence de GastroVaud, l’association vaudoise des cafetiers, restaurateurs et hôteliers. Etat des lieux d’une profession en mutation.

  •  Actuellement Directeur de GastroVaud, Gilles Meystre va en prendre la présidence. DR

    Actuellement Directeur de GastroVaud, Gilles Meystre va en prendre la présidence. DR

Lausanne Cités: Est-il difficile de succéder à Frédéric Haenni qui a occupé le poste durant 16 ans, alors même que vous faisiez déjà partie de la maison en tant que directeur?

Gilles Meystre: Pendant 16 ans, Frederic Haenni a énormément œuvré, au Grand Conseil comme dans les médias, pour valoriser la branche. Il a placé la barre très haut. C’est donc un challenge, d’autant que les changements ne manquent pas: légaux, réglementaires, structurels et sociaux. Travaillant depuis quatre ans pour GastroVaud, j’ai la chance d’avoir une vision claire de ces défis et me réjouis de les relever.

Pensez-vous inscrire votre mandat dans la continuité de votre prédé-cesseur, ou réfléchissez-vous à repenser votre fonction?

Dans la continuité s’agissant de la formation. Car il faut sans cesse la renforcer et l’adapter: pour le restaurateur, c’est la clé pour durer; pour le consommateur, un gage de qualité. Les cours destinés aux futurs restaurateurs vont ainsi passer de 17 à 26 jours obligatoires, grâce à l’appui unanime du Grand Conseil. Côté innovation, il s’agit de préparer la branche aux changements en cours: boom des food trucks, place grandissante de la restauration collective (écoles, EMS, restauration collective), importance des réseaux sociaux (e-reputation), etc. Et j’entends poursuivre les synergies avec des acteurs qui partagent les mêmes valeurs: FRC et Semaine Suisse du goût pour le label fait maison, métiers de bouche et vignerons vaudois s’agissant de la promotion de l’oenotourisme par exemple.

Vous voilà à la tête d’une institution en crise qui enregistre de nombreuses faillites chaque année. Comment comptez-vous agir pour que la profession sorte du marasme dans lequel elle se trouve?

Vous noircissez le tableau! De nombreux indicateurs sont positifs! Primo, la région lémanique a la plus forte densité de tables étoilées au monde! Deuxio, la branche vaudoise forme près de 800 apprentis chaque année, ce qui atteste de sa vitalité. Tertio, la qualité de la restauration est bien meilleure qu’en France, pourtant réputée pour sa gastronomie! Ce

n’est pas moi, mais Benoit Violier en personne qui l’affirme.

Tout de même, le nombre de faillites ne peut être nié...

Trop de doux rêveurs se sont lancés dans le métier, sans réaliser la discipline et les efforts qu’il exige. Cette situation nécessite des mesures, la plupart en cours, comme le renforcement de la formation et le retour à l’école des moutons noirs. Il s’agit aussi de stabiliser nos coûts. Car depuis 15 ans, la branche a augmenté de 45% le salaire minimum délivré à ses employés. C’est un effort nécessaire, mais coûteux. Désormais, de nombreux petits patrons gagnent moins que leurs employés...

Les envies des consommateurs changent. Alors qu’au restaurant, ils tendent à dépenser de moins en moins, et plébiscitent par exemple des manifestations comme le Food Trucks Festival à la Riponne. Les restaurateurs ne doivent-ils pas s’adapter à cette nouvelle donne?

Restauration de rue et restauration traditionnelle répondent à des besoins différents. La première répond au besoin physique de se nourrir, vite et si possible bien, dans une société où le temps des repas est toujours plus réduit. La seconde offre une valeur ajoutée en termes de choix, de présentation, d’accueil, de qualité et de confort. Pour les restaurateurs traditionnels, le défi ne consiste pas à imiter les fast food. Au contraire, ils doivent miser sur leur valeur ajoutée: une carte courte et maîtrisée, des plats originaux, sains, servis avec le sourire et un sens aigu de l’accueil.