Les urgences sociales à l'essai

PROJET PILOTE • Depuis le mois de janvier, la Fondation Urgence Santé (FUS) expérimente, sur mandat du Canton de Vaud, une équipe mobile d'urgences sociales (EMUS). Pendant deux ans, cette équipe activera dans la grande couronne lausannoise.

  • Robert et Bertrand, les deux coéquipiers de l'EMUS.

En dehors des heures d'ouverture des structures d'accueil de soutien des personnes sans abri, en situation de pauvreté ou en détresse psychologique, il n'existe pas de solution d'urgence. C'est précisément pour pallier à ce manque flagrant qu'EMUS a été créée. Il s'agit d'une équipe composée de deux professionnels de la santé et du social. Ils sont mobilisés sur appel via la Centrale Téléphonique des Médecins de Garde au 0848 133 133 et patrouillent le reste du temps dans les zones sensibles de la ville.Les situations auxquelles ils sont confrontés sont très variées et touchent toutes les couches de la population. Parfois, ils interviennent aussi en relais des ambulanciers ou de la police afin de décharger ces services et d'apporter une aide plus sociale et humaine. « Nous ne sommes pas là pour juger, mais pour aider. Après avoir résolu la situation de crise, nous orientons la personne vers d'autres institutions ou associations», explique Christophe Cloarec, le chef opérationnel d'EMUS.

La nuit, de 21h à 7h

En patrouille, Bertrand et Robert, deux des membres de l'équipe, visitent les parkings, les toilettes publiques, les parcs et les lieux d'accueil social. Contrairement à leurs collègues ambulanciers, ils sont vêtus sobrement et sont simplement équipés d'une trousse médicale légère sans seringue ni médicament. En les accompagnant, on découvre un portrait différent de la ville de Lausanne. «Avant d'intégrer cette équipe, je n'imaginais pas que ces situations existaient en Suisse», confie même Robert en quittant une zone à bâtir, où des ressortissants roumains ont établi leur domicile.Peu après, les deux co-équipiers passent à proximité d'une petite camionnette grise. Bertrand s'arrête, demande le silence, ouvre la fenêtre et écoute attentivement. «Dans la camionnette, il y Mr P., c'est un musicien de rue. J'entends que son chauffage d'appoint est enclenché, donc il n'y a pas à se faire de soucis», chuchote-t-il. Avant de retourner dans la salle de garde à la FUS, le binôme passe par la résidence d'accueil de nuit «la Marmotte» afin de se renseigner sur la possibilité d'accueillir encore du monde en cas d'urgence.

Simple et essentiel

Sur le terrain, chaque soir, ils sont au plus proche des populations fragiles et leurs apportent beaucoup plus que de la nourriture ou un sac de couchage. Ils sont là pour les écouter, les conseiller et parfois leur donner quelques bonnes combines. « En hiver, on amenait des personnes qui ne trouvaient pas de places dans les abris vers des salles d'attente chauffées sur les quais de Gare et on venait les rechercher au petit matin», raconte Bertrand.Son téléphone sonne. Il est une heure du matin et un homme vient d'être expulsé pour mauvais comportement dans un établissement d'accueil pour migrants. L'équipe de l'EMUS part lui apporter un sac de couchage, discuter un peu avec lui et lui montrer un lieu discret qu'ils connaissent, non loin de là. «Je n'ai qu'une chose à vous dire. Ça m'a totalement calmé de vous rencontrer. Maintenant je n'ai plus du tout une vision négative des européens», conclura l'homme en se glissant dans son sac de couchage.