Le porno soft des ménagères

ROMAN • Avec 40 millions d'exemplaires vendus, le «Mummy Porn» de l'auteure britannique E.L. James remporte un succès phénoménal. La version française du roman Fifty Shades of Grey est attendue pour l'automne. Chronique d'un succès annoncé.

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    Le porno soft des ménagères

«Je l'ai lu en une nuit. Cela a changé ma vie et ma manière d'approcher le sexe». «Ce livre m'a permis de balayer toutes mes peurs». Sur le net, les avis des lectrices anglophones de la trilogie Fifty Shades affluent et témoignent du succès: en quelques mois, 40 millions d'exemplaires ont été vendus. Son auteure, la Britannique E.L. James, fait mieux que sa concitoyenne J.K Rowling et les 7 volumes de Harry Potter vendus à 31 millions d'exemplaires…Les libraires romands n'ont pas attendu la traduction française. Sur les étalages, la version anglaise du premier tome de cette saga érotico-pornographique trône en bonne place. «Les ventes sont bonnes, ce qui laisse présager d'un véritable succès pour l'édition française attendue mi-octobre», souligne une libraire.

Dans la lignée de Twilight

De quoi parle-t-on? Fifty Shades of Grey (en français: 50 nuances de Grey) raconte l'histoire d'Anastasia Steele, timide étudiante en lettres de 21 ans encore vierge, qui se retrouve objet du désir de Christian Grey, un sombre millionnaire un brin pervers. Ce dernier lui propose de se lancer dans un jeu érotique sado-maso. Submergée par ses sentiments, la jeune femme accepte d'entrer dans son jeu, de se faire fesser et malmener jusqu'à ce qu'orgasmes s'ensuivent.Dans cette saga, E.L James reprend tous les codes qui ont fait le succès de Twilight ou d'Harry Potter: des personnages charismatiques, des rebondissements et une relation énigmatique entre deux jeunes beaux héros. Une espèce de Twilight donc, à ceci près qu'on verse dans le sentimentalo... pornographique, avec de nombreuses descriptions très érotiques des rapports entre les personnages.

«Mummy Porn»

Cette trilogie a conquis les femmes de tous âges. Pas seulement les trentenaires en mal de perspectives amoureuses, mais aussi les mamans et les femmes divorcées. Dans une Amérique plutôt prude, même les mouvements féministes approuvent car ils y voient la preuve de l'émancipation de la femme. Ce nouveau style littéraire a désormais un nom: «Mummy Porn» ou porno sentimental, familial.Bestseller oblige, l'adaptation cinématographique est prévue pour 2013.

«Fifty Shades of Grey», de E.L. James, First Vintage Book Edition. Dès le 17 octobre aux éditions JC Lattès, «50 nuances de Grey»

Un Harlequin coquin…

CM • Autant le dire tout de suite, les amateurs de grande littérature, passez votre chemin. Et les spécialistes de sadomasochisme et autres pratiques sexuelles extrêmes aussi. Fifty Shades of Grey n'est pas pour vous. Car, autant sur le fond que sur la forme, le résultat sera au-dessous de vos attentes. Question style, le roman souffre de dialogues improbables, de nombreuses répétitions et d'une absence de réelle intrigue. Quant au fond, cela reste très gentillet. L'héroïne, Anastasia Steele, jeune étudiante de 21 ans, est constamment troublée par tout et n'importe quoi: du simple regard au martinet. On y retrouve tous les clichés du genre porno SM: le gars riche et beau, le contrat de soumission, la sortie dans la rue sans sous-vêtements, le sexe sauvage en plein air, l'envie d'anticonformisme…Ce livre, truffé de clichés éculés et de psychologie de bas étage, a le mérite de divertir. Certains y voient une histoire d'amour pour midinettes en mal de transgressions. D'autres un bon vieux Harlequin coquin. E.L. James a trouvé le créneau: en mixant romantisme, érotisme et pornographie sans tomber dans les images trop crues des films X, elle comble un vide littéraire.