«Cristo», l’indispensable artisan du succès du LHC

CHRONIQUE • Cristobal Huet, gardien franco-suisse du Lausanne HC, est l’indispensable artisan du succès vaudois. Modeste en diable, il continue à balayer les lauriers devant sa porte.

  •  Avec Cristobal Huet, Lausanne dispose d'un véritable bunker. DR

    Avec Cristobal Huet, Lausanne dispose d'un véritable bunker. DR

Christo, pour les amateurs d’art contemporain, désigne une folle puissance créatrice, capable d’emballer le Pont-Neuf à Paris ou le Reichstag à Berlin. «Cristo», pour les férus du puck, c’est un type qui enflamme une patinoire depuis bientôt trois ans. La patinoire, c’est Malley, antre du Lausanne Hockey Club; et le type, c’est Cristobal Huet, faiseur de miracles devant son filet.

Un véritable bunker

Remonté en Ligue nationale A au printemps 2013, en grande partie grâce à son portier français, le LHC se voyait promis à des heures ardues à l’étage supérieur. Effectif limité, concurrence ardue, zéro chance arguaient les experts - blablabla. Après avoir arraché une qualification pour les play-off dès leur retour parmi l’élite, les «Lions» remettent le couvert cette année, en mieux. L’accès aux séries pour le titre national est quasi entériné. Et la sensation, qui n’en est plus une à force de perdurer, doit énormément à l’ange gardien, au «Cristo» rédempteur. Cristobal Huet, qui file sur ses 40 balais, est trop lucide pour ignorer l’importance prépondérante qu’il revêt dans le succès des siens. Mais il est bien trop modeste pour que quiconque lui soutire un aveu à ce sujet. Quand la gazette l’encense, lui souligne le formidable travail abattu par l’équipe. Et si les projecteurs s’acharnent, il rappelle à quel point le système défensif concocté par l’entraîneur Heinz Ehlers s’avère efficace. C’est vrai, d’ailleurs ladite méthode semble inventée pour lui. Cancre de l’offensive, Lausanne possède peut-être le meilleur bunker du pays.

Un type modeste

«Il faut continuer à travailler», ressasse Huet lorsqu’un audacieux se risque encore à l’interviewer - car sa faconde est inversement proportionnelle à son talent. Et quand, dans la foulée d’un nouveau récital à Zurich, son coach le désigne comme le «meilleur gardien en Europe», il se cabre derechef: «Pour mesurer ma contribution, prenez le chiffre 100 et divisez-le par le nombre de gars qu’il y a dans le vestiaire.»

Dithyrambes et lauriers n’y changeront rien, ni même le titre - qui lui pend au nez - de meilleur joueur de LNA. Le mur de Malley demeure fidèle à la devise inculquée jadis par son père: «Pour décrocher la lune, il faut garder les pieds sur terre.»

L’heureuse odyssée démarre, comme souvent, sur une ironie du destin. A Saint-Martin d’Hères (faubourgs de Grenoble), où il naquit le 3 septembre 1975, Cristobal Huet s’adonne tôt aux joies du puck, dans le sillage de son frère aîné Antoine. Comme «Cristo» est le plus petit de la bande, on le flanque aux cages. Il n’en bougera plus.

Jusqu’à la NHL

Après avoir mené le club local des Brûleurs de Loups au titre de champion de France (1998), Huet s’engage avec Lugano. En raison d’un salaire «dérisoire» (60’000 francs la saison), dix fois inférieur à celui de certains coéquipiers, on le surnomme «le clochard»; lui se fait la belle. Après quatre exercices prodigieux dans le Tessin, le temps de coiffer une nouvelle couronne nationale (1999) et d’épouser Corinne, une Vaudoise, il traverse l’Atlantique pour conquérir l’eldorado du hockey - il encaissera jusqu’à 6 millions de dollars par saison.

La dernière des neuf passées en NHL est à la fois la plus belle (il remporte la sacro-sainte Coupe Stanley avec les Chicago Blackhawks en mai 2010); et la plus douloureuse (il est évincé par la franchise chère à Barack Obama). Dégoûtée, la star déchue? Non, déterminée à rebondir, avec désormais un passeport suisse en bandoulière. Ce sera à Fribourg d’abord (2010-12), puis à Lausanne, donc, où ses prouesses enchantent les foules et transcendent ses coéquipiers. Jusqu’où l’infranchissable héros emmènera-t-il ses troupes? Quoi qu’il advienne, il n’y sera pour rien.