Dario Cologna, ce Federer des neiges

CHRONIQUE • Le fondeur grison ne possède certes pas la notoriété internationale de son compatriote tennisman. Mais son palmarès de rêve et son image immaculée en font en ambassadeur de premier rang.

  •  Dario Cologna,la force tranquille. DR

    Dario Cologna,la force tranquille. DR

Un pays, et c’est heureux, revêt de nombreuses facettes, une multitude de visages pour l’incarner. Mais s’il fallait en donner un seul à la Suisse, Dario Cologna ne constituerait pas le pire des choix. Le fondeur grison, outre le fait qu’il gagne des courses, véhicule l’image du parfait ambassadeur - ne fut-il pas élu personnalité helvétique de l’année 2012?

Trois ans plus tard, le magnétisme opère toujours, même si la cote de popularité de «Super Dario» s’avère globalement moindre de ce côté-ci de la Sarine. Cologna, malgré ses trois médailles d’or olympiques (une à Vancouver en 2010 et deux à Sotchi en 2014), demeure un jeune homme accessible, simple comme bonjour, susceptible de se fondre dans la masse, si exceptionnel soit-il - pour ne rien gâcher, il n’est de loin pas vilain garçon - de près non plus.

Un horloger de haut vol

Rigueur, précision, politesse, discrétion et succès: un parfait confédéré. «Il dégage un calme, une sérénité, un charisme et un bien-être contagieux, c’est rassurant pour les gens», explique son manager Marc Biver. «Dario est très propre sur lui, ne commet jamais le moindre écart, il se montre humble et agréable dans la victoire comme dans la défaite.» Bref, un Roger Federer des neiges.

Un horloger de haut vol croisé avec un infatigable bouquetin. Réglé comme un coucou, le champion sort toujours de son chalet pile-poil à l’heure. L’objectif qu’il se fixe, en général, il l’atteint - comme en ce moment aux Mondiaux de Falun où, dès sa première course, il a décroché une magnifique médaille d’argent. Et même lorsqu’il se déchire les ligaments d’une cheville, trois mois avant les JO de Sotchi, il trouve le moyen d’arriver à l’heure au rendez-vous.

Ahurissant, prodigieux, phénoménal. «Je suis content de ma performance», répète l’intéressé, comme insensible au feu des superlatifs. Derrière cette vitrine de quartz, on trouve une volonté d’acier. «C’est une bête de course, il adore ça, témoigne Marc Biver. Il est passionné par ce qu’il fait, perfectionniste jusqu’au bout des ongles. Même l’été, il met une motivation et une énergie folles dans ses entraînements. Il a ça dans ses gènes.»

Un athlète de calibre

Tout comme ce côté nature, qui lui vient autant de son Val Müstair natal que d’une éducation sans faille, distillée par maman Christine, femme de ménage, et papa Remo, installateur en sanitaires né dans la même vallée, mais côté italien. Beaucoup de simplicité pour une œuvre complexe. Au-delà de son palmarès (il a aussi remporté le classement général de la Coupe du monde à trois reprises), Dario Cologna a réussi l’exploit de passionner les gens pour le ski de fond.

«J’avoue qu’avant de le voir un jour à la télévision, en 2007, je nourrissais un intérêt très mesuré pour la discipline», admet son agent, qui a géré par le passé des carrières aussi prestigieuses que celles du skieur alpin Pirmin Zurbriggen ou du cycliste Tony Rominger. «Et là, en le regardant, j’ai tout de suite dit à mon amie: «Lui, il a quelque chose de spécial.» C’est un immense privilège et un sacré plaisir pour moi de travailler avec quelqu’un comme lui.»

C’est tout sauf un déshonneur pour la Suisse de pouvoir compter sur un athlète de ce calibre, un ambassadeur de cette trempe. Dario Cologna aura 29 ans le 11 mars prochain. Un jour, mais par bonheur pas avant ces JO de Pyeongchang 2018 qu’il a déjà inscrits en rouge sur son calepin, il ne sera plus là. Cela fera un grand vide dans le paysage. Alors, on se réchauffera à l’évocation de tous ces glorieux souvenirs; on réalisera peut-être encore mieux la chance qu’on avait.