Derby du dimanche, la rengaine à grand-papa

CHRONIQUE • Servette-Lausanne, en dehors du terrain tout du moins, c’est l’assurance d’une sacrée joute entre moribonds chroniques. Vive le derby, entre bouffées nostalgiques et splendeurs à venir.

  • Fabio Celestini, «inquiet pour la suite». dr

    Fabio Celestini, «inquiet pour la suite». dr

Un poil tard pour le ski en famille, bien trop tôt pour la pêche aux champignons. Histoire de dribbler l’ennemi, ce temps qui file, heureusement, il y avait Servette-Lausanne dimanche après-midi au Stade de Genève. 
Un vrai rayon de soleil, ce 180e duel entre Genevois et Vaudois en short. Le derby, c’est un truc qu’on rame à Cambridge, qu’on galope à Epsom. Par chez nous, bon an mal an depuis un gros siècle, «grenat» et «bleu et blanc» tapotent dans le ballon. Et c’est plus ou moins la fête.
 
Amorces translacustres
Des saucisses qui grillent (ou pas), une frite bien grasse avec mayo à la louche, une jolie petite chambrée pas comme d’antan mais quand même (8 562 spectateurs), température idéale pour la pratique du football, on est bien. 
L’accident de l’A1 retarde le coup d’envoi d’une heure. Une heure d’avant-match à déguster en plus avec, comme chez Georges Haldas, les enfants qui se jouent le film à l’avance, la main dans celle du grand-père.
Une heure de rab’ pour se livrer aux sempiternelles amorces trans-lacustres, boire une mousse, lancer quelques incantations nostalgiques au passé glorieux mais insidieusement lointain, où le LS et Servette luttaient pour le titre de champion de Suisse, à la fin du millénaire dernier, et manger une deuxième saucisse grillée (ou pas, en fait c’est du 50-50). 
Grand-papa, plus en forme que la sono, meuble en racontant la légende des Seigneurs de la Nuit, version Lausanne-Sports sur le trône en 1965, pendant que son petit-fils effectue des dribbles avec Messi sur son jeu électronique. Ben ouais, le temps passe.
La flamme demeure, mais il faut bien reconnaître que des fois, elle chancelle. La vie d’un club, deux en l’occurrence, suit un cours à la fois si essentiel et dérisoire, qu’on peine parfois à mesurer la réelle profondeur des choses. Dimanche, le moribond chronique (Servette) a battu 4 à 2 le phénix cendré (Lausanne), au terme d’un match dont la magie principale consista à offrir plus de buts que d’occasions au public. 
Gloires d’antan et dèches actuelles. Plus que le résultat encore, c’est la manière qui alimente la perplexité de Fabio Celestini, nouvel architecte du LS, «inquiet pour la suite». Il savait le chemin long, mais peut-être pas à ce point, qui doit mener à un futur extra bleu ciel. Sur le terrain, Servette a confirmé l’écart du moment entre les deux équipes, et s’offre la chance de croire encore à une promotion en Super League. En trompe-l’œil, tout du moins.
 
Dans les coulisses
Parce qu’un derby, ça fleurit aussi dans les coulisses, ça vaut par le décorum. Or, si Lausanne a fait son deuil de la Pontaise depuis longtemps et piaffe à l’idée d’un nouveau stade, Servette ne sait toujours pas quoi faire du sien, qu’il traîne comme un boulet parmi d’autres. 
Les salaires ne tombent plus, le trou se creuse, le président Hugh Quennec, qui a en commun avec son homologue Alain Joseph de ne plus avoir beaucoup de cheveux, tire des plans sur la comète en même temps que le signal d’alarme.
Servette-Lausanne, Lausanne-Servette. Quand ce n’est pas la flamme au cœur, il y a le feu au lac. A part sur le terrain, on ne s’ennuie jamais entre ces deux clubs qui continuent à se lancer des flèches par le truchement de l’arc lémanique, chacun pour défendre une paroisse qui, bien que peinant à tenir debout, rêve de s’envoler vers des lendemains qui chantent. 
En attendant la science-fiction, les grands-papas des deux bords ont pour mission de maintenir certains souvenirs en vie.