Gladiateurs et «Fonduette», le cocktail magique du hockey suisse

CHRONIQUE • Le championnat de hockey sur glace reprend cette semaine, au cœur de l’été indien. Une belle occasion de piaffer et de replacer la Romandie sur la carte du sport helvétique.

  •  L'amour du hockey? Bientôt un devoir patriotique. DR

    L'amour du hockey? Bientôt un devoir patriotique. DR

Rien que pour vous, ils ont soulevé de la fonte tout l’été. Avec du métal suédois dans les oreilles, ils ont taillé leurs pectoraux, affûté leurs jambons et aiguisé leurs lames. Ils sont beaux (même s’il manque parfois quelques dents à l’heure de l’inventaire), ils sont forts et, s’ils ne sentent pas le sable chaud, c’est parce qu’ils ont déjà disputé une ribambelle de matches amicaux dans des étuves où même la glace suait, afin d’être en mesure de bouffer les planches dès le premier acte.

Bref, légionnaires et gladiateurs sont prêts; on verra vite ceux qui ne le sont pas, puisque le championnat suisse de hockey sur glace reprend ses droits ce mercredi 9 septembre - première ronde complète vendredi. Pourquoi s’emballer pour «ça»?, s’interrogeront toutes celles et ceux dont la sensibilité n’adoube ni le maniement du bâton ni le titillage de rondelle; quelle erreur! De même qu’«il faut laisser les jolies femmes aux hommes sans imagination» (Marcel Proust), abandonnons ici les mécréants à leurs soi-disant nobles inclinaisons. Et, malgré le manque de souplesse qui grippe certains d’entre nous, tenons-nous prêts à prendre notre pied des deux mains.

Parce que le hockey, avec sa vitesse, son intensité, sa puissance et ses 42 commotions cérébrales par saison (estimation), c’est de la balle! Un cocktail composé de sang et de violette, adrénaline et testostérone en sus. Histoire de confiner à la magie pure, ajoutez les effluves de vin chaud ou de «Kaffee fertig» (le meilleur se déguste naturellement à Zoug); songez aux multiples merveilles gastronomiques qui pullulent, quoi que parfois figées, dans les patinoires helvétiques (la palme revient incontestablement à la «Fonduette» de l’Ilfis, à Langnau, croisement miraculeux entre le hot-dog et la fondue).

Irrésistible, l’appel du puck. D’ailleurs, l’amour du hockey sur glace, cela devient gentiment un devoir patriotique dans notre coin de pays. La Romandie compte quatre forma- tions parmi une élite à douze têtes - même si certains sont toujours prompts à relancer le débat qui consiste à savoir si Biel appartient au «Welschland». Peu importe.

A Lausanne, le public de Malley piaffe à l’idée de vivre une saison encore plus excitante que la précédente - et de voir son équipe échafauder autre chose qu’un impitoyable bunker autour de l’ange gardien Cristobal Huet? A Fribourg, après un exercice désastreux, l’heure de la revanche triomphale doit sonner - sinon l’entraîneur Gerd Zenhäusern peut préparer son sac. A Genève, l’omnipotent Chris McSorley entretient comme chaque année l’illusoire illusion de coiffer une couronne nationale. A Bienne, on étrenne une patinoire neuve, donc une existence pleine de promesses.

Aimer le hockey

En résumé, ça frétille sec de partout. Les abonnements sont commandés par milliers, les enthousiasmes infinis. Et l’Helvétie francophone a enfin le sentiment d’exister sur la carte du tendon; car il ne faut plus guère compter sur le football pour trouver l’occasion de chanter la gloire de l’athlète romand.

Certes, le FC Sion existe, mais il est un peu seul et à la recherche de son identité. En équipe nationale, pour incarner le «Welschland», il reste un Cap-Verdien employé à Rennes (Gelson Fernandes) et un descendant de la Prusse occidentale (le vétéran neuchâtelois Steve Von Bergen).

Donc il faut aimer le hockey sur glace, et l’aimer fort. S’emballer pour une discipline où la Romandie n’a plus triomphé depuis le HC Bienne en 1983 - tiens, voici enfin la preuve que Biel est en Suisse romande.