Quand le dieu football déclenche la foudre sociale

MONDIAL 2014 • A un an de la Coupe du monde 2014 au Brésil, événement ô combien attendu par tous les amoureux du ballon, la colère gronde de Rio à Brasilia.

  • Brésil, la consécration ultime du dieu football.

    Brésil, la consécration ultime du dieu football.

Le Brésil, ceci dit sans vouloir jeter la plus traitre ombre à la paternité du fondateur britannique, c'est le pays du football. Le Brésil, c'est l'essence du jeu qui se fait samba, la passe à l'aveugle de Pelé sur le quatrième but de Carlos Alberto lors de la finale de 1970 contre l'Italie, sous le soleil de Mexico City. Le Brésil, c'est l'amour sur le pré et les pieds dans le sable; l'occasion de rappeler que Lêonidas, avant d'être un roi spartiate ou une marque de chocolats belges, fut dans les années 1930 le génial inventeur du ciseau retourné.

La terre du foot

Le Brésil, pour qui aime le foot, c'est des étoiles jaunes plein les yeux, de Garrincha à Ronaldo en passant par Socrates, des magiciens et des souvenirs à faire péter les cœurs, triomphaux (cinq titres planétaires) ou déchirants (1938, 1950, 1982, 1986...) Le Brésil, territoire où le ballon devient culte ou déraison de vivre, c'est aussi, surtout, l'endroit où aura lieu la Coupe du monde 2014.D'ailleurs la Coupe des Confédérations, sorte de répétition générale à moindre échelle du must à venir, se déroule présentement de São Paulo à Belo Horizonte, en passant par quatre autres villes hôtes. Ambiance paillettes et cotillons? Pas seulement. Il y a les gaz lacrymogènes et les balles en caoutchouc, aussi. Pour disperser les manifestants, trier le bon grain de l'ivraie, autrement dit ceux qui ont pu s'offrir un billet (cher) et ceux qui, à moitié noyés par l'existence, fustigent les investissements massifs consentis par le gouvernement à l'organisation du raout. Et ne digèrent pas la forte hausse tarifaire des transports publics qu'on vient de leur asséner, parce qu'il faut bien se refaire un peu.

Une religion

Le Brésil avait «reçu» ce Mondial avec un vif enthousiasme en octobre 2007, au cœur de la présidence Lula. Soixante-quatre ans après le drame national de 1950 (défaite finale de la Seleção devant l'Uruguay à Maracana), la nation s'offrait une formidable opportunité de laver l'affront sur le terrain et de booster son économie en outre. Aujourd'hui, le refrain revient à la mode, qu'on connaît partout de Kiev (Euro 2012) à Johannesburg (Mondial 2010): à la fin, c'est le peuple qui trinque. Pour Brésil 2014, on parle d'un total de 15 milliards de dollars pour ce qui touche directement à la compétition (les stades notamment), budget qui sera dépassé; plus de 100 milliards si on englobe les routes, les aéroports et autres infrastructures, dont beaucoup ne seront pas achevés d'ici à 2017, soit un an après les Jeux olympiques d'été prévus à Rio - parce qu'il y a encore ça à gérer...Oui, au Brésil, le football est une religion, une philosophie, un opium. Mais en attendant la victoire de Neymar et des «auriverde» l'été prochain dans un Maracana en liesse, le peuple gronde. Samedi dernier, tandis que diverses manifestations de la fronde sociale fleurissaient à gauche à droite dans le pays, la présidente Dilma Rousseff a essuyé les sifflets de la foule, de concert avec Sepp Blatter, lors du match d'ouverture de ladite Coupe des Confédérations à Brasilia.

Sans le pain

Le Mondial 2014 au Brésil, c'est le pied absolu, la consécration ultime du dieu football. La promesse d'un mois de rêve. C'est aussi l'imparable contrepied à une certaine réalité, moins fascinante qu'un dribble de Neymar, moins enivrante qu'une virée nocturne de Ronaldinho. Le peuple a des jeux en perspective, d'accord. Mais il lui manque le pain.