Un bol d’Eire pour Romario et Hoeness

CHRONIQUE • La victoire irlandaise dans le Tournoi des six nations nous mène à Glencolumbkille, bourgade où il fait bon se ressourcer quand on a besoin de faire le point.

L’actualité se fend parfois d’une riche idée. Samedi dernier, juste avant l’heure des redoutables infos, là voilà qui nous tape sur l’épaule, avec son front joyeusement cabossé, son sourire édenté et ses oreilles en chou-fleur - on cause de rugby. L’équipe d’Irlande a battu la France (22-20) et remporté le Tournoi des six nations pour la douzième fois de son histoire, offrant ainsi une sortie de rêve à leur emblématique capitaine Brian O’Driscoll; c’est magnifique. Forcément: tout ce qui a trait à l’Irlande est magnifique et ceux dont la pensée diverge sur ce point peuvent d’ores et déjà vaquer à d’autres tâches.

Une certaine idée du sport

Merci à ceux qui sont encore là, en ce surlendemain de Saint Patrick. L’Irlande, c’est la musique, la tonsure au vent et la pèlerine qui fuit, les fameux poètes, les breuvages troubles et les falaises abruptes - il est déconseillé d’enchaîner les deux derniers éléments de façon trop rapprochée. L’Irlande, c’est aussi une certaine idée du sport et de son esprit, rocailleux du plot mais franco de souche. Et puis cette droiture au fond des yeux, qui jamais ne les quitte et que je revois toujours sur la face rouge d’un monsieur, au pub de Glencolumbkille (Donegal).

C’était soir de défaite amère, le ballon était rond ce coup-ci encore (et il n’était pas le seul), une main de Thierry Henry venait de priver le peuple vert d’une qualification pour la Coupe du monde 2010. «Bien sûr, les grenouilles gagné», m’a dit le papy cramoisi mais vif du chef. «Mais moi, demain, je pourrai me regarder dans la glace.» Une ultime lampée de tourbe liquide, rangez flûtes et violons, bonsoir m’sieurs dames.

Un camp de recadrage

La Formule 1 a repris ses droits (TV), les championnats battent leur plein d’émotions sur les glaces helvétiques ou les prés espagnols. Le printemps fleurit, les sujets bourgeonnent. Alors oui, pourquoi perdre son temps avec Leo? - c’est le nom du digne loup de mer dans la taverne irlandaise écœurée.

Parce qu’il y en a quelques-uns, parmi ceux qui font l’actualité susmentionnée, qu’on enverrait bien faire un tour à Glencolumbkille. Pour un camp de recadrage. On pense à Romario, l’ancien diamant du foot brésilien devenu député, dont les propos orduriers quoique non dénués de fondement ont salement éclaboussé Sepp Blatter et la FIFA, accusés de s’en mettre plein les fouilles sur le dos du peuple - sans blague...

Pour les candidats au bol d’Eire, il y a Uli Hoeness, président déchu du Bayern Munich, condamné à trois ans et demi de prison pour évasion fiscale. Et puis tant d’autres, dont la cafetière chauffe ou dérape à force d’oublier le jeu au profit de l’enjeu.

En camp d’oxygénation, dans le Donegal! Pour profiter des sublimes paysages, bien sûr. Mais aussi pour se frotter à la droiture du coin, planter leurs yeux dans ceux de Leo. Relativiser, réfléchir à l’essentiel. Se regarder dans la glace.