Fait divers de l'été: Laurent Ségalat, condamné au bénéfice du doute…

VAUX-SUR-MORGES • Cet été, nous revenons chaque semaine sur un fait divers ayant marqué les Romands. Aujourd’hui, l’affaire Ségalat. Ce généticien français, condamné pour avoir tué sa belle-mère en 2010, continue d’échapper à la prison.

 

Nous sommes le 9 janvier 2010 à Vaux-sur-Morges. Il est 21h15 lorsque Laurent Ségalat décroche son téléphone et compose le numéro des urgences. L’une des affaires les plus médiatisées et controversées de ces dernières années en Suisse romande commence. Le généticien français de 45 ans, alors Directeur de recherche au CNRS de Lyon, dit avoir retrouvé sa belle-mère Catherine agonisante aux pieds des escaliers dans la buanderie de la villa de Vaux-sur-Morges, dans laquelle cette femme de 66 ans habite avec son père, le libraire en vue Roger-Jean Ségalat alors hospitalisé.

 

Cadavre déplacé

Une fois sur place, les enquêteurs constatent que le cadavre a été déplacé et présente différentes plaies, fractures et ecchymoses. D’emblée, la thèse du meurtre est privilégiée. Reste à démasquer le coupable et à mettre en lumière son mobile. Laurent Ségalat est le meurtrier tout trouvé. Il est rapidement inculpé de meurtre et mis sous les verrous. L’homme nie d’emblée mais des éraflures et des griffures fraîches sont présentes sur ses mains et sur son visage et surtout des traces d’ADN de sa belle-mère sont retrouvées sous ses ongles… Le quadragénaire l’explique par les tentatives de réanimation répétées et «frénétiques» auxquelles il se serait essayé avant de demander de l’aide.

Il a réponse à tout et les donne avec un certain aplomb. S’il a soigneusement nettoyé les lieux du drame, c’est par exemple, non pas pour masquer un meurtre, mais car il trouvait «inconvenant» que les secouristes marchent dans le sang de sa belle-mère. Ses blessures? C’est à une opération de dégivrage de son pare-brise qu’il les doit et à une compagne très sensuelle… Les policiers sont plus que dubitatifs et leurs experts scientifiques postulent comme «très probable» que le scientifique ait asséné des coups mortels à la malheureuse Catherine Ségalat.

D’autant qu’un t-shirt et deux chemises tachés du sang de la victime sont retrouvés à proximité de la machine à laver. A l’époque du drame, le suspect venait de reprendre avec sa belle-mère la gestion de la librairie spécialisée dans les livres anciens et précieux située rue de la Pontaise à Lausanne. La collection de près 50’000 ouvrages qui s’y trouve a une valeur importante. Serait-elle à l’origine du drame? Certains le croient. Mais les enquêteurs eux, ne trouvent ni mobile ni arme. Les témoins qu’ils rencontrent laissent penser que Laurent et Catherine Ségalat s’entendaient bien.

Acquitté puis condamné…

Après avoir purgé 29 mois en détention préventive, le scientifique est finalement acquitté au bénéfice du doute le 1er juin 2012. En appel, le son de cloche est totalement différent. Le Français écope de 16 années de prison pour meurtre. Cette peine sera ramenée ensuite à quatorze ans par le Tribunal fédéral. Sentant le vent tourner, il ne s’était pas présenté à ce second procès et, à ce jour, il reste donc libre dans son pays. La Suisse a lancé un mandat d’arrêt international à son encontre, mais sans succès car la France n’extrade pas ses ressortissants. A la demande de l’avocat du condamné, l’affaire remontera jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme sans que cela ne donne rien. Et en 2015, le journaliste et juriste respecté Jacques Secretan publie une enquête fouillée sur cette mystérieuse histoire. Elle s’intitule: «L'affaire Ségalat, une condamnation bâtie sur du sable»…