Bienvenue au kibboutz de... Sauvabelin!

CHRONIQUE - Vouloir consulter la population sur ce qui relève de la pure intendance et de la responsabilité individuelle, comme par exemple le futur gérant de l'auberge de Sauvabelin, ne tient plus de la démocratie participative, mais plutôt de l’esprit du kibboutz, cette forme communautaire inspirée du socialisme, mise en place par des migrants juifs en Israël.

PARTICIPATIF • «S’il vous plaît… dessine-moi un mouton!» Chacun se souvient de cette citation-culte tirée du «Petit Prince» de Saint-Exupéry. Un livre que certains représentants de la Ville de Lausanne auraient dû relire avant de lancer «Dessinons ensemble la future Auberge de Sauvabelin!», une invitation lancée à la population à participer à une enquête en ligne ou sur papier, «pour définir ensemble», l’exploitation de cette future Auberge.

Avec des questions du style: quels plats servir? A emporter ou sur place? Quelle animation? Dans la lancée, ils auraient aussi pu ajouter: avec quelle couleur pour les toilettes ou pour l’éventuel papier-peint du vestibule, quelle forme pour les assiettes, quelle contenance pour les verres, quels futurs horaires d’ouverture ou que sais-je encore… La refonte du site de Sauvabelin, et notamment de sa fameuse auberge, ne l’oublions pas, c’est l’histoire d’un ratage. En 2019, elle avait en tous cas déchaîné les passions avec, à la clé, des recours, une pétition et une interpellation urgente. Après avoir annoncé sa volonté de «déconstruire» l’Auberge, la municipale Verte Natacha Litzistorf s’était retrouvée face à un mur. Elle avait dû reculer, choisissant finalement l’option de la rénovation complète du bâtiment, précédée et basée sur une méthode que l’élue écologiste affectionne tout particulièrement, la démarche participative.

Même si celle-ci, véritable mantra politique à Lausanne, reste pour beaucoup un simple alibi visant à enrayer la défiance dont les gouvernants sont souvent l’objet. Quoi qu’il en soit, le nouveau profil architectural de l’Auberge avait alors été redessiné proposant «un esprit guinguette qui, grâce à une belle terrasse à fleur d’eau, offrira une convivialité qui s’était perdue au fil des travaux entrepris, tout en gardant le gabarit et la structure en bois du corps principal originel.» L’honneur était sauf!

Vouloir dès lors consulter la population sur ce qui relève de la pure intendance et de la responsabilité individuelle, celle notamment du futur gérant du site, ne tient plus de la démocratie participative, mais plutôt de l’esprit du kibboutz, cette forme communautaire inspirée du socialisme, mise en place par des migrants juifs en Israël. Même si cent ans plus tard, la flamme de ce qui fut une des grandes utopies du XXe siècle a cessé de brûler. A moins qu’il ne s’agisse simplement que de la peur de subir un nouveau revers ou le simple reflet de la politique du Bisounours qui est l’apanage de certains de nos élus.

Dans tous les cas, qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre, ou des deux, voire des trois à la fois, tout cela laisse pantois. Mais, finalement, pas si éloigné de la signification de la demande du Petit Prince qui voulait qu’on lui dessine un mouton, un appel enfantin à l’imagination pour lutter contre «l’absurdité du monde»… ou certaines décisions pour les moins déconcertantes.