Cann-L: un pari osé, mais nécessaire

Couper l’herbe sous le pied des dealers. Voilà donc le pari qu’a fait la Ville de Lausanne en lançant récemment son opération Cann-L de vente de cannabis à but non lucratif.

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Appelée à durer quatre ans, elle vise à mesurer les effets d’un tel modèle sur la consommation de marijuana, en termes de santé et de sécurité. A la fin de l’année, tout Lausannois majeur qui consomme déjà du cannabis et ne «présente pas de critères d’exclusion» pourra donc, dans le cadre d’un protocole très strict, se faire un petit joint sans que les pandores y trouvent quelque chose à redire.

Faut-il s’en réjouir ou s’en inquiéter? D’abord il faut se souvenir que depuis plus de vingt ans, le deal à Lausanne constitue un véritable abcès et qu’il a fallu attendre longtemps pour que la Ville, aidée en cela par le Canton, réagisse avec fermeté pour tenter de l’éradiquer. Alpha, Delta, Héraclès, Strada… face à une population excédée, qui avait même manifesté sur la place Chauderon en 2018, la police avait fini par multiplier les opérations spéciales pour tenter de mettre fin au vaste marché noir de la drogue qui s’était installé au centre-ville. Avec un certain succès, même s’il est de notoriété publique que ce marché continue de fonctionner aujourd’hui, quotidiennement, en marge de l’hypercentre.

Au-delà de la répression pure et dure, qui n’a donc en rien résolu le problème plus profond du trafic de drogue, de nombreuses voix se sont élevées pour demander d’étudier des modèles légaux de substitution afin de régulariser le marché. Soit d’organiser des ventes contrôlées en pharmacie, sous encadrement médical ou par le biais d’associations de consommateurs, voire de gérer certaines activités considérées comme illégales aujourd’hui. Ce que Lausanne va tenter, in fine, de faire à travers le projet Cann-L.

Dix-huit états américains, ainsi que le Canada et l’Uruguay, ont mis en place des marchés régulés pour cette substance ces dernières années. S’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives à ce sujet, des premières études montrent toutefois que cette légalisation sous contrôle n’a pas fait exploser le nombre de consommateurs, comme on pouvait le craindre, et que le marché légal du cannabis s’est peu substitué au marché illégal. Certes, sans le faire disparaître totalement pour autant! Tout semble donc indiquer que les choix opérés s’avèrent plutôt positifs. A ce titre, les critiques émises par la droite lausannoise contre la mise en place de Cann-L, soutenant que la meilleure solution en la matière consistait encore et toujours à renforcer la répression, semblent dépassées et sans fondement. Lausanne a décidé de jouer un rôle de pionnière en Suisse, c’est de bon augure, car même si le pari semble osé, il est aujourd’hui nécessaire.