Souriez, vous êtes filmés!

SÉCURITÉ • A Lausanne, une pétition demande que la reconnaissance faciale soit encadrée par la loi. Indispensable!

Plus de 10’000 signatures! C’est le nombre record de paraphes remis la semaine dernière au syndic Grégoire Junod par le biais d’une pétition intitulée «Stop à la reconnaissance faciale» qui demande l’interdiction de la surveillance biométrique de masse dans les villes suisses. Celle-ci s’est greffée, à Lausanne, sur une motion déposée par le conseiller communal Benoît Gaillard pour que la Suisse, qui ne dispose pas d’une législation efficace contre ce type de surveillance, «explicite la base légale qui est trop floue actuellement».

La reconnaissance faciale est très présente dans nos vies quotidiennes, sur toute la planète, notamment à travers nos smartphones qui l’utilisent de plus en plus. On en a pris l’habitude. Mais elle envahit aussi, et surtout, l’espace public et permet une surveillance de masse à très large échelle. Comme en Chine, par exemple, ou le gouvernement utilise un algorithme de reconnaissance faciale qui, couplé à plus de 200 millions de caméras de surveillance, permet de traquer jusqu’à la moindre petite incivilité. Ou en Russie, notamment à Moscou, ou 170’000 caméras scrutent l’espace public, l’énorme masse des informations collectées étant comparée en temps réel avec la base de données du ministère de l’Intérieur. Pas très surprenant quand on connaît le régime en place dans ces deux pays! Par contre, il y a de quoi s’inquiéter quand on voit le phénomène prendre de l’ampleur dans les pays démocratiques aussi, comme aux Etats-Unis par exemple, ou des sociétés en font même un usage commercial.

A l’image de la start up Clearview qui a déclenché un véritable scandale en «pompant» quelque 3 milliards de photos sur des sites tels que Facebook ou Twitter pour constituer une base de données et… la revendre aux plus offrants! Parmi lesquels de nombreux corps de police! Car oui, la reconnaissance faciale présente des avantages en termes de sécurité publique. Elle permet d’authentifier une personne, donc de vérifier que celle-ci est bien celle qu’elle prétend être, mais aussi d’identifier une personne parmi un groupe ou une base de données, afin de détecter d’éventuels criminels ou terroristes. Avec sans doute de l’efficacité, mais non sans risques majeurs en termes d’atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles et collectives.

Les innovations ont depuis toujours été synonymes de progrès pour la société, mais seulement si elles sont maîtrisées et encadrées dans le respect de la vie privée. L’enjeu est donc d’importance et on ne peut que se réjouir de voir, comme à Lausanne, des mouvements et des associations s’engager pour rappeler qu’un cadre juridique précis s’impose autour de cette problématique et de son expérimentation. Pour pouvoir continuer de dire sans appréhension: «Souriez, vous êtes filmés!».