La devise olympique? Toujours plus cher...

CHRONIQUE • Sotchi accueille ce vendedi les JO de Vladimir Poutine, dont le capital éthique laisse clairement à désirer. Mais on sera quand même tous devant la télé pendant deux semaines.

  •  A coup de milliards de dollars, la petite station de la mer Noire s’est muée en site olympique ultramoderne. dr

    A coup de milliards de dollars, la petite station de la mer Noire s’est muée en site olympique ultramoderne. dr

Sotchi, c’est bientôt dans vos salons, en haute définition et à basse altitude puisqu’on est au niveau de la mer - Noire. Pendant deux grosses semaines, on va glisser au fond du canapé, patiner dans nos agendas, sauter des repas, dévaler bien des pistes au son des drapeaux qui claquent et des chopes qui tintent, Forza Lara, allez Didier, Hopp Simi. Trois milliards de téléspectateurs sont annoncés par les organisateurs et, pour une fois, la police ne contredit pas les chiffres. La cérémonie d’ouverture, dont l’objectif consistera à en mettre plein la vue au monde entier et à faire passer Vancouver 2010 pour une kermesse de sous-préfecture, est à ne manquer sous aucun prétexte, ce vendredi à 20:14 en mondovision (3 heures plus tôt en Suisse).

Un décalage supérieur

Derrière ce jetlag modeste avec la Russie de Vladimir Poutine, un décalage supérieur, culturel pour rester poli. Les Jeux de Sotchi, station balnéaire tirée une première fois de l’anonymat au début du XXe par Staline et ses coreligionnaires de campagne qui y possédaient tous une maison à la mer, ça n’est évidemment pas que du sport. Bien sûr, si les «nôtres» déclenchent des cascades d’or, des rivières d’argent et des coulées de bronze, on agitera nos cloches, comme tout le monde. Peut-être même soufflera-t-on dans une corne de brume si l’équipe de Suisse de hockey sur glace bat le Canada en finale.

50 milliards de dollars

Mais à l’heure de sabrer le champagne, ou mettons le lendemain histoire de profiter un peu, on aura forcément la conscience qui flanche. Pourquoi toujours plus vite, plus haut, plus fort? Pourquoi chez Vladimir? Parce que c’est la devise qui compte et puis mon bon monsieur, le monde ne va pas autrement...

Cinquante milliards de dollars, c’est le coût total estimé pour ces XXIIe JO d’hiver au pied du Caucase, dont la moitié incombe au contribuable russe. Un record absolu, raouts d’été comme Pékin 2008 compris. Demander d’où provient exactement le magot et, surtout, où il terminera sa course équivaudrait à froisser les règles de la diplomatie. Et mettre dans l’embarras les valeurs de l’Olympisme, dont l’article premier des principes fondamentaux évoque, rappelons-le juste pour rire, «un style de vie fondé sur la joie dans l’effort, la valeur éducative du bon exemple, la responsabilité sociale et le respect des principes éthiques fondamentaux universels». Les Jeux de Sotchi, de notoriété publique à part à Moscou, c’est une ode à la corruption, le triomphe du pognon roi. On vous passe les «détails» habituels sur les pauvres types expatriés sur le volet, expropriés de s’en aller; le nouveau train passe par là.

Sous les feux de la critique

Les Droits de l’Homme s’insurgent, l’Ecologie vacille, l’ambiance ne s’annoncent pas gay: 40’000 uniformes, drones aériens, missiles à main droite. Les cinq anneaux prennent la forme de menottes, ils se muent en cercles vicieux. Et alors?

L’autre jour, dans la file qui menait au steak de dinde-purée, un journaliste a demandé à un autre journaliste pourquoi les journaux ne boycottaient pas les Jeux de Sotchi. L’interrogé n’a pas su répondre. Et les 3 milliards de téléspectateurs, sauraient-ils dire pourquoi?

A part ça, le complexe dévoué au ski de fond et au biathlon se prénomme «Laura». Bientôt dans vos salons.