A la gare, le futur quartier de la Rasude provoque déjà une levée de boucliers

CONTESTATION • Immeubles trop élevés, manque de végétalisation, parking démesuré, le projet de la Rasude prévu à l’est de la gare de Lausanne inquiète de nombreux riverains. Ils se sont regroupés en association pour alerter la Municipalité. Cette dernière tente de calmer le jeu.

  • Le projet prévoit une ouverture du quartier à la population. En médaillon, Silvia Egger, présidente de l’association Perirasude. MISSON-TILLE/CFF/DR

    Le projet prévoit une ouverture du quartier à la population. En médaillon, Silvia Egger, présidente de l’association Perirasude. MISSON-TILLE/CFF/DR

«Ce quartier ajoutera un pôle de chaleur au cœur de la ville» Silvia Egger, présidente de l’association Perirasude

«Le futur quartier de la Rasude défigurera le paysage lausannois. Avec ses deux tours de douze et quinze étages, son parking de 500 places et ses 85'000 m2 de béton, sa construction ajoutera un pôle de chaleur au cœur de la ville, c’est inconcevable à l’heure du dérèglement climatique!» C’est un mélange d’incompréhension et de colère qui anime Silvia Egger. Cette riveraine de la gare de Lausanne en est convaincue, la densification de Pôle Gare doit se faire, mais de manière durable. «Tout l’inverse de ce qui a été réalisé à Plateforme 10 où le béton est roi, ajoute la présidente et fondatrice de Perirasude, une association qui compte une cinquantaine de riverains mécontents. Ce ne sont pas les quelques arbres en pots prévus à la Rasude qui vont donner une caution verte à ce projet.»

Un parc arborisé à plus de 70%

Une grogne qui tranche avec la communication officielle de la société de développement de la Rasude (SV Rasude), composée des deux propriétaires fonciers Mobimo et CFF Immobilier. Sur son site internet, elle souligne son intention de réaliser un quartier «végétalisé», «harmonieux», «facilitant la mobilité douce» et «dans la continuité de la Voie Verte de l’agglomération». Une communication dans l’air du temps, qui se fait plus discrète lorsqu’il s’agit de réagir aux craintes des riverains. Mobimo et CFF Immobilier nous renvoyant auprès de la répondante du projet pour la Ville de Lausanne, à savoir Natacha Litzistorf, municipale en charge du logement, de l’environnement et de l’architecture. Cette dernière confirme avoir eu des contacts avec Perirasude: «Plusieurs rencontres ont eu lieu avec cette association notamment pour la tenir au courant des évolutions. La culture du dialogue est au cœur de ce projet.»

Sur le fond, la municipale verte rappelle qu’un vaste parc arborisé offrira un lieu public végétalisé à plus de 70%: «Avec un minimum de plusieurs dizaines d’arbres majeurs plantés sur l’ensemble du site, la Rasude offrira demain aux Lausannoises et Lausannois ainsi qu’à ses visiteurs, un véritable quartier vert au cœur de la Ville. Pour ce qui est du parking, le projet ne prévoit plus 500 places, mais 200 de stationnement privé et une septantaine de stationnement public.»

Des tours qui divisent

Concernant la hauteur des bâtiments, Natacha Litzistorf précise qu’elle a déjà été revue à la baisse et que, désormais, elle offre «le meilleur équilibre entre densification et espaces publics de qualité.» Un avis que ne partage toujours pas Silvia Egger. Selon cette dernière, la hauteur des deux tours ne devrait pas dépasser cinq étages. Ceci afin de s’intégrer au mieux à leur environnement immédiat. Autre grief, le mix logements/bureaux: «Le projet prévoit 80% de bureaux et 20% de logements. Il faut inverser cette proportion car depuis le Covid le télétravail a pris de l’importance alors que les appartements se font de plus en plus rares.» Un argument qui ne convainc pas la municipale en charge du logement, de l’environnement de l’architecture. L’élue souligne que la mise à disposition de surfaces d’activités économiques, donc de bureaux, vise un but simple: rééquilibrer le ratio emplois/habitants relativement bas à Lausanne par rapport aux plus grandes villes suisses. Et d’ajouter: «Le nouveau bâtiment qui sera situé le long des voies de chemin de fer ne pourra pas accueillir de logements en raison de contraintes OPAM (Ordonnance sur la protection contre les accidents majeurs).» En cause notamment, le passage, une nuit par semaine, d’un long train chargé de chlore qui circule de Genève à Viège en passant par Lausanne.

Mise à l’enquête en 2023

Dernier élément de friction entre les opposants et les promoteurs du projet, la destruction programmée du bâtiment situé à l’Avenue de la Gare 45: «Il s’agit de la dernière œuvre de l’architecte Alphonse Laverrière, c’est un immeuble emblématique, déplore Silvia Egger. Je ne comprends pas pourquoi il faut le raser.» Sur ce point, la Ville ne fournit pas d’explications, elle se contente de rappeler que les bâtiments de l’avenue de la Gare 41 et 43 seront conservés. Quant à la mise à l’enquête, elle est toujours prévue pour le second semestre 2023.

Un projet initié il y a huit ans

Des logements, des commerces, des restaurants, des bureaux et même un hôtel: le futur quartier de la Rasude, situé entre la gare et l’avenue d’Ouchy, se veut vivant, de jour comme de nuit. Une ambition qui remonte à 2014. Cette année-là, les premiers mandats d’étude sont lancés avec pour objectif de créer un morceau de ville ouvert. Huit bureaux d’architecture y participent et c’est le projet «Echappées» du bureau genevois Eric Maria qui est désigné lauréat. S’ensuivent des expositions publiques, des démarches participatives et… l’arrivée du Covid. De l’aveu des promoteurs, les deux années de pandémie ont considérablement retardé le projet. Le début des travaux, initialement prévu en 2022 est désormais prévu en 2025 pour une inauguration en 2031. Dans le meilleur des cas…