Claude-Inga Barbey: Le véritable sketch, c’est nous!

La comédienne Claude-Inga Barbey dans le cadre de son dernier sketch, «Loi Covid: l’œil de Pékin» imite notamment un accent chinois ultra-stéréotypé. Et suscite un tollé qui en dit plus sur nous que sur elle...

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Le rire est, dit-on, le propre de l’homme. Mais peut-on rire de tout? La question est vieille comme le monde. Et ne manque pas de resurgir à chaque fois qu’un humoriste, dont c’est le métier, franchit avec hardiesse les nébuleuses limites de la bienséance. Ou de la bien-pensance. C’est à nouveau le cas avec la comédienne Claude-Inga Barbey qui, dans le cadre de son dernier sketch, «Loi Covid: l’œil de Pékin», publié sur la plate-forme numérique du journal Le Temps, imite notamment un accent chinois ultra-stéréotypé en joignant ses mains «à l’asiatique» et remplace son habituel «et toc» de fin de sketch par un… «et Chin-toc»!

Tollé sur la toile! L’humoriste est taxée de raciste, les internautes s’en donnent à cœur joie et, interrogée dans les colonnes du Blick, la présidente de la Commission fédérale contre le racisme y va de son laïus en se disant consternée, estimant que les propos de Claude-Inga Barbey n’étaient «pas drôles, inutilement blessants et de mauvais goût.» Après une vidéo jugée transphobe en mars 2021, la voilà donc clouée une nouvelle fois au pilori. Même si elle rejette tout net ces accusations en étayant le propos de sa scénette. Même si elle bénéficie du soutien affirmé de la rédactrice en chef du Temps, Madeleine von Holzen, qui a clairement dit que le sketch ne serait pas retiré, étant à replacer dans le contexte de ce que Claude-Inga Barbey fait pour le journal, soit une prestation en lien avec l’actualité qui met en scène des personnages névrosés. J’ai regardé ce sketch. Plusieurs fois. Et je me suis finalement dit: «Tout ça pour ça?» Que certains aient pu se sentir offusqués par ses propos, on peut le comprendre. Qu’on trouve que c’est un humour un peu dépassé, on peut aussi en convenir, mais qu’on accuse Claude-Inga Barbey de racisme, c’est juste excessif, voire... risible.

Le rire dépend de chaque individu et de chaque société. C’est pourquoi on ne rit pas de la même manière et des mêmes choses selon son caractère ou sa culture. Une réalité qui semble difficile à accepter pour certains dans une époque qui vit au au firmament du politiquement correct et prône constamment le «couvre-feu moral». A ce petit jeu-là, pour des humoristes, faire rire sans égratigner personne est devenu une véritable gageure.

Finalement, à la question peut-on rire de tout, la réponse la plus sensée ne serait-elle pas de dire, «c’est l’intention qui compte»? Car plutôt que de chercher à définir d’éventuelles limites, ne vaut-il pas mieux se demander quelle est l’intention du blagueur. Si la blague est prétexte à stigmatiser ou rabaisser, il y a de quoi s’inquiéter et condamner. Ce qui, en l’occurence, n’est pas le cas ici. En n’oubliant jamais aussi que l’humour, et le rire qui l’accompagne, est une arme au service de la liberté d’expression et que, comme le disait Cabu, mort assassiné lors de l’attentat terroriste contre la rédaction de Charlie Hebdo «là où l’humour s’arrête, bien souvent, la place est laissée à la censure ou à l’autocensure.»