«J’emmerde les non-vaccinés»

C’est une phrase qu’aucun de nos conseillers fédéraux n’aurait osé prononcer. Emmanuel Macron, président de la République française, lui, a osé: «J’emmerde les non-vaccinés». Avec en filigrane une question lancinante: qui emmerde qui?

C’était il y a quelques jours dans les colonnes du journal Le Parisien auquel il avait accordé une interview. C’est dans ce contexte qu’il a sorti cette formule choc, et plutôt inhabituelle à ce niveau de l’Etat, en disant très précisément: «Les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça, la stratégie». Les emmerder: comprenez leur limiter le plus possible l’accès aux activités sociales.

Un dérapage verbal? Aucunement. Cette rupture de ton, chez un président qui aime aussi citer des penseurs et des écrivains et ne craint pas les effets de manche, était bien pensée. En stigmatisant les non-vaccinés, une minorité de la population française, le chef de l’État a cherché à se mettre du côté de la majorité, sachant qu’une part croissante de la population exprime de l’hostilité à l’égard de ceux qui refusent de se faire vacciner et les tient responsables de la situation que nous vivons tous. A quelques encablures des élections présidentielles du mois d’avril prochain, cela s’apparente à une stratégie politique risquée, mais clairement réfléchie.

Prononcer une telle phrase en Suisse eût été sans conteste chose impossible. Cela tient aux mentalités, à la conception de la politique que nous avons, aux institutions, au rôle de l’Etat et de ses serviteurs. Mais finalement, ne sommes-nous pas beaucoup à penser, sans le crier sur les toits, que Macron a eu raison? Car dans le fond, depuis le début de cette pandémie sans fin, qui emmerde la vie de qui? Qui gâche la vie des soignants et sature les services d’urgence des hôpitaux? Qui gâche celle de nombre de petits indépendants, commerçants, restaurateurs ou autres, qui ont dû arrêter de travailler et ont été forcés de fermer boutique? Qui gâche la vie des personnes âgées dans les EMS ou celles qui se retrouvent isolées? Et j’en passe… Ce sont ceux qui refusent de se faire vacciner.

Car la vaccination, on ne le dira jamais assez, c’est une manière de se protéger. Et de protéger les autres, en faisant notamment tout pour ne pas surcharger inutilement les hôpitaux et laisser la place à d’autres patients qui en ont grandement besoin. C’est un acte citoyen. Quoiqu’en disent les Neinsager, la Suisse, depuis le début de cette pandémie, n’a peut-être pas tout fait juste, mais elle est restée une vraie démocratie dans laquelle nous avons des droits, mais aussi des devoirs. Celui de se faire vacciner en étant un! A ce titre, la tirade du président Macron a au moins un avantage, celui d’avoir ouvert la voie à une nouvelle attitude face aux réfractaires qui n’est ni celle de l’incitation ou de la contrainte, mais celle de la stigmatisation souriante. Bien joué, Monsieur le Président!