La polémique de la semaine: Un blackout en Suisse? Les chiens aboient, la caravane passe!

Pour notre chroniqueur Philippe Kottelat, alors qu'un blackout électrique est possible, ceux qui nous gouvernent semblent découvrir avec stupeur une des facettes de la transition climatique à laquelle ils n’avaient pas pensé.

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«Après une pandémie, une pénurie d’électricité représente le plus grand risque pour l’approvisionnement de la Suisse. Par pénurie d’électricité, nous désignons une situation dans laquelle nous disposons d’une quantité trop faible de courant pendant des semaines, voire des mois». J’imagine que tout comme moi, lorsque vous avez entendu ces paroles, prononcées le 17 octobre dernier par le Conseiller fédéral Guy Parmelin, vous avez failli tomber de votre chaise. Plus encore sans doute quand le président de la Confédération a ajouté que «cela signifie que les usines pourraient produire moins, que les autorités publiques et les prestataires tels que les banques devraient réduire leurs services, ou que les moyens de transport fonctionnant à l’électricité ne pourraient se déplacer que de manière limitée». Sans compter que nous, citoyens, pourrions être privés durant quelques jours de courant. En plein hiver! Autrement dit en Suisse, dans l’un des pays les plus riches du monde, on pourrait être plongés dans le noir, vivre un blackout. Un peu comme à Bagdad... sous bombardement. Si, si, en Suisse! Il y a vingt ans, on a bien vu les avions de Swissair rester cloués au sol, avec 40’000 passagers en rade aux quatre coins du monde. Tout est donc possible dans la paisible Helvétie, même si rien, je vous l’accorde, n’est totalement comparable!

Cette situation quelque peu ubuesque a toutefois deux causes bien précises. La première tient à l’échec de l’accord-cadre avec l’Union européenne. La Suisse est liée avec plus de 40 lignes électriques transfrontalières, mais faute d’entente avec l’Europe, la voilà exclue des décisions concernant un marché qui la concerne au plus haut point. On peut bomber le torse et jouer les matamores, envoyer dans les roses notre traditionnel partenaire, comme l’a fait le Conseil fédéral fin mai dernier, tout finit par se payer!

La deuxième raison tient à l’incapacité de notre pays à intégrer la vitesse à laquelle les technologies avancent. Qu’avons-nous fait pour être autosuffisants et développer les énergies vertes? On s’est hâtés lentement. Depuis le temps qu’on parle de transition énergétique, on ne cesse de compter que sur l’hydraulique, qui couvre 66% de notre consommation, et sur ce qu’il nous reste de nucléaire, 19%. Le reste, c’est à l’avenant. Les panneaux solaires? Les documents officiels sont si complexes à remplir qu’ils refroidissent le citoyen lambda, alors que certains fonctionnaires zélés n’hésitent pas à y ajouter leur grain de sel pour décourager tout le monde; les éoliennes, c’est un non systématique avec, de recours en recours, les mois, voire les années qui passent. En Valais, on a voulu installer des petites turbines au fil du Rhône, personne n’en a voulu. Certains évoquent aujourd’hui le retour des centrales nucléaires, pour éviter celui de la chandelle. Levée de boucliers des milieux bien pensants! Et on s’étonne de ce qui arrive.

Les chiens aboient, la caravane passe. Inlassablement. On attend donc le blackout possible annoncé, alors que ceux qui nous gouvernent semblent découvrir avec stupeur une des facettes de la transition climatique à laquelle ils n’avaient pas pensé. Le placide Parmelin se montre pessimiste, Sommaruga, dans la foulée, se veut rassurante. Quelle belle unanimité au sein du Conseil fédéral! On croyait que la pandémie avait clairement montré à quel point il est important de se préparer au mieux aux crises et de se serrer les coudes. On déchante!