Tintin, Laurence, Sergei et les autres…

Les propos de la présidente du Grand Conseil ont été malheureux. C’est vrai! Mais chacun peut, une fois, déraper, non? Au final, il aura fallu que la lumière vienne du seul élu qui avait sans doute des raisons personnelles de se sentir blessé par cette affaire, l’ancien champion de judo et élu métis Sergei Aschwanden.

Et voilà donc Tintin, près de 40 ans après la mort de son papa, le Belge Hergé, qui refait parler de lui. Pas pour le meilleur, pour le pire, puisqu’il est au centre d’une nouvelle polémique qui, in fine, ne grandit pas une bonne partie de la classe politique vaudoise. A gauche comme à droite de l’échiquier. Rappel des faits: le 29 septembre dernier, en pleine session du Grand Conseil, sa présidente Laurence Cretegny se fend d’un hommage au chancelier Vincent Grandjean, qui prend sa retraite. Connaissant la passion de ce dernier pour Tintin, et sans doute en guise de clin d’œil, elle fait référence à plusieurs album d’Hergé et, en fin de discours, prend très malencontreusement l’accent africain en citant une phrase tirée de «Tintin au Congo». «Si toi pas sage, toi y’en sera jamais comme Tintin », lance-t-elle devant l’assemblée.

Malaise dans l’hémicycle. Et volée de bois vert à l’issue de la séance, plusieurs élus évoquant un dérapage inacceptable et des propos d’un autre temps. Incriminée, l’élue PLR botte d’abord en touche, puis finit par présenter ses excuses, transmises par les services de communication de l’Etat. «La dernière citation de ce discours (...) a été lue par la présidente avec l’accent africain, ce qu’elle regrette; si cette citation a heurté certaines personnes, elle s’en excuse auprès d’elles, en précisant qu’elle n’a jamais voulu tenir des propos racistes, contrairement aux interprétations lues sur les réseaux sociaux.» Et ailleurs aussi !

Suffisant pour stopper la polémique? Que nenni! Elle a continué de susciter des salves sans fin, certains n’hésitant pas à la traiter d’irréductible raciste et de demander sa démission. Venant de l’Association des étudiants afro-descendants (AEA) de Lausanne, on peut comprendre cette position. Un peu moins venant de certains milieux politiques bien-pensants, dont les réactions ont, comme toujours, été excessives. Ceux-là, à l’image des Jeunes verts vaudois, qui ont tiré à vue sur l’ancienne syndique de Bussy-Chardonney, seraient ressortis grandis de cette affaire en faisant preuve d’un peu de retenue et en ne jouant pas la carte de la récupération politique à tout prix! Mais ils sont coutumiers du fait! Ils ne sont pas les seuls. Que dire aussi de l’attitude de la direction du PLR dans cette affaire? Silence de mort dans un premier temps: pas un mot pour défendre la camarade de parti et calmer les esprits. Avant la parution d’un communiqué abscons qui réfutait (enfin) toute accusation de racisme, «terme qui paraît (...) excessif au vu du contexte.»

Les propos de la présidente ont été malheureux. C’est vrai! Mais chacun peut, une fois, déraper, non? Au final, il aura fallu que la lumière vienne du seul élu qui avait sans doute des raisons personnelles de se sentir blessé par cette affaire, l’ancien champion de judo et élu métis Sergei Aschwanden. En toute intelligence et lucidité, il a eu ces mots: «Laurence Cretegny n’est pas du tout raciste. Ses propos et l’accent émis étaient malheureux. Mais l’erreur est humaine. Maintenant, passons à autre chose.» Une belle leçon à l’intention d’une cohorte d’éternels bien-pensants qui font feu de tout bois, la plupart du temps sans discernement, ni retenue, dans une exaltation coupable.