Qui vole un œuf...

Cela peut paraître anodin, mais c'est un indicateur fiable de l'état de notre société. Les stations-service sont prises d'assaut par... les mauvais payeurs. A l'heure où le litre de carburant flirte avec la barre symbolique des deux francs, certains exploitants n'hésitent pas à affirmer que chaque semaine, chaque station service voit au moins un usager détaler sans avoir payé sa facture. Difficile pourtant d'avoir des chiffres précis sur ce phénomène, tant les distributeurs n'aiment pas communiquer sur un tel sujet, histoire de ne pas encourager une fraude qui peut bon an mal an, leur coûter cher (lire en page 3).Pour banal qu'il soit, ce phénomène est riche d'enseignements. D'abord, les voleurs ne sont pas toujours ceux que l'on croit: hommes, femmes, jeunes ou moins jeunes, riches ou pauvres, toutes les catégories sociales sembles concernées par ce qui s'apparente de plus en plus en un véritable sport national.Ensuite, chaque litre de carburant non payé témoigne de la perte d'une de nos valeurs cardinales: le civisme. Ceci d'autant que les mauvais payeurs ne sont pas forcément les moins fortunés. A l'heure où le profit remplace l'éthique, où la spéculation supplante le travail, où la duplicité se substitue à l'honnêteté, on peut légitimement s'interroger sur la dérive d'une société en mal de repères structurants. Alors que les petites frappes et autres délinquants de bas étage se heurtent désormais à une fermeté aussi justifiée qu'assumée, l'impunité de nombre de fraudeurs à l'essence laisse pantois. Pourtant, qui vole un œuf...