L'été de... Yasmine Char

  • Yasmine Char

    Yasmine Char

Ecrivain, dramaturge, directrice du théâtre de l'Octogone à Pully

Cela commence progressivement. Les gens qui partent les uns après les autres. La petite laine qu'on oublie dans un coin. Et puis ces banalités qu'on se surprend à répéter. Bientôt en vacances? Quelle destination? On nous a posé la question dix fois et dix fois on y a répondu de bon cœur en gaspillant un peu de son temps. Ce temps qui perd soudain sa gravité. On a bouclé les dossiers importants. Ça sourit comme jamais, ça traîne, ça revêt moins d'importance. Alors on se dit qu'il est enfin installé. L'été. Une consonne et deux voyelles pour une saison couleur soleil. Lausanne respire. La ville est pleine mais vide à la fois. On se gare en un tour de volant, c'est magique. Il n'y a plus personne dans les boutiques, les courses deviennent un jeu d'enfant. Je ne veux pas partir. Les gens sont dehors, dans les festivals, sur les plages, à l'étranger. Je veux rester chez moi à l'intérieur, dans la pénombre des chuchotements avec la brise qui soulève mollement les rideaux. Je veux marcher pieds nus sur le carrelage vaudois de ma cuisine. Je veux aller au travail dans les bureaux désertés et travailler au rythme d'aucun dérangement. Les mots se sont tus, le théâtre respire autrement. Il reprend des forces pour la rentrée. Nous reprenons tous nos forces, chacun à sa manière. La mienne est silencieuse. Celle de mon mari se nourrit du brouhaha des festivals. A l'extérieur, les enfants jouent au foot en se disputant. Ils se réconcilieront autour d'une glace avant d'aller se baigner. Tout finit par s'arranger.Je ne sais pas pour les autres mais moi, l'été, je nage dans le ciel. C'est bleu de partout. Et lorsque j'y suis, je me dis que le paradis doit ressembler à un été qui n'en finit pas. Quelque chose comme une longue inspiration qui séparerait l'été du mot éternité.