«C’est un projet qui est indigne de Lausanne!»

- A un mois de la votation sur Taoua, le débat se fait de plus en plus vif entre ses partisans et adversaires.
- Le 6 février dernier, dans ces colonnes, le syndic Daniel Brélaz exposait les arguments des premiers.
- Les deux vice-présidents du comité référendaire anti-Taoua les dévoilent à leur tour.

  •  Laurent Marmier et Christine Theumann, les deux vice-présidents du référendaire anti-Taoua ne se considèrent pas comme des "Neinsager". Valdemar VERISSIMO

    Laurent Marmier et Christine Theumann, les deux vice-présidents du référendaire anti-Taoua ne se considèrent pas comme des "Neinsager". Valdemar VERISSIMO

«Pas besoin de tour pour moderniser Beaulieu» Christine Theumann, vice-présidente du comité référendaire anti-Taoua

Lausanne Cités: Dans notre édition du 6 février dernier, le syndic Daniel Brélaz laissait entendre que les opposants à la construction de Taoua étaient une sorte de «tutti frutti», un mélange de peur face à l’évolution esthétique de Lausanne et, plus généralement, d’une ville qui se développe. Que lui répondez-vous?

Laurent Marmier: M. Brélaz ne semble pas connaître les opposants. Nous ne sommes pas des «Neinsager». Nous nous opposons au projet Taoua parce que c’est un mauvais projet, mal intégré dans le quartier de Beaulieu, indigne de Lausanne. Ce projet n’est soutenu par aucune réflexion urbanistique. Il a été conçu dans la précipitation, entre le promoteur et les services de la Ville, sans consultation des habitants du quartier concerné. Lorsque le rapport d’expert sur la stratégie pour l’implantation de tours dans l’agglomération Lausanne-Morges a été enfin publié, nous avons constaté que Taoua ne remplissait pas les critères requis. Laisser construire une tour d’une telle importance, en dérogation des règlements existants, ce serait créer un précédent au nom duquel les promoteurs pourraient se croire autorisés à construire d’autres tours n’importe où, au gré des occasions qui se présentent.

LC: Dans la foulée, vous venez de dénoncer les «tares» de la propagande officielle pro-Taoua. Que reprochez-vous exactement à vos adversaires?

Christine Theumann: Notre critique touche l’argumentation de la Municipalité, qui cherche à lier le projet Taoua à tous les autres projets de la ville dans les domaines des transports, du logement et de la formation. Nous sommes favorables à la modernisation de Lausanne, à la construction de logements en ville et au développement des transports publics. Tout cela peut se faire sans Taoua. Il n’y a pas besoin de tour pour moderniser Beaulieu. Le site a besoin d’hôtels, mais pas de 27 étages. Une tour, contrairement à ce l’on pourrait croire, n’est pas la bonne manière de densifier la ville. La construction en ilôts est plus dense et conviviale. La Municipalité feint d’ignorer les inconvénients qu’une telle construction apporterait.

LC: Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets?

Laurent Marmier: Le coût de construction est plus élevé, ce qui entraîne des loyers plus chers qu’une construction traditionnelle. La tour Taoua provoquera une augmentation du trafic automobile, alors que le quartier souffre déjà de congestion chronique. On prévoit 250 emplois et une centaine de logements, mais seulement dix places de parc supplémentaires. Une tour aussi massive, dans une zone en pente, va péjorer la qualité de vie de beaucoup plus de résidents. LC: Pour attirer touristes et investisseurs, Lausanne a besoin d’atouts. Une tour avec des logements, qui plus est pour certains à prix abordables, des services, une école de soins infirmiers, un hôtel et un restaurant panoramique, est-ce à ce point une si mauvaise image pour la ville?

Christine Theumann: Un bloc massif de 85 mètres de haut et 42 mètres de large peut-il vraiment être la nouvelle carte de visite de Lausanne? Nous en doutons. Elle va plutôt abîmer l’image de la ville. C’est une forme architecturale dépassée, en vogue dans les années 60. Quant aux activités prévues dans le projet, elles peuvent trouver une place sans construire de tour. Il faut simplement remettre l’ouvrage sur le métier et avoir une vision d’ensemble, en incluant dans la réflexion tout le périmètre de Beaulieu, et cesser de saucissonner les interventions.

LC: Certains de vos adversaires n’hésitent pas à dire que, dans vos «troupes», certains s’opposeraient plus au projet par intérêt personnel, parce qu’ils habitent dans le quartier, que pour des raisons objectives. Qu’en pensez-vous?

Laurent Marmier: Parmi les 30 membres du comité référendaire, seuls trois sont directement concernés. Nous avons récolté toutefois près de 11’000 signatures dans tous les coins de la ville. Cela montre bien qu’il ne s’agit pas ici de défendre son pré carré, mais une qualité de vie en ville. Celle-ci vient d’ailleurs tout juste d’être honorée d’une médaille d’or par le Figaro. Ne dilapidons pas ce capital.

LC: In fine, quels sont, à vos yeux, les trois arguments principaux qui militent en faveur du non?

Christine Theumann: Cette tour ne s’intègre ni visuellement ni urbanistiquement dans le quartier. Elle péjore de manière irrémédiable le capital paysager de la ville de Lausanne. Elle crée un précédent dangereux en montrant à quel point il est facile de déroger aux règlements en vigueur.