Consommation d’héroïne: de l'indulgence pour les cadres stressés?

- Gilles Meystre appelle à une indulgence envers les consommateurs de drogue en col blanc.
- Pour l'élu du PLR lausannois, «toxicomane ne veut pas dire marginal».
- Divisé, le landernau politique s'interroge sur l'efficacité des mesures anti-drogue à adopter.

  • Faut-il laisser faire ces «cadres sur-stressés qu'un peu de coke détend»?

    Faut-il laisser faire ces «cadres sur-stressés qu'un peu de coke détend»?

  • Faut-il laisser faire ces «cadres sur-stressés qu'un peu de coke détend»?

    Faut-il laisser faire ces «cadres sur-stressés qu'un peu de coke détend»?

Mais quelle mouche - ou plutôt quelle seringue - a donc piqué le conseiller communal radical Gilles Meystre? Dans le premier numéro de Tribune, le journal du PLR vaudois (organe issu du mariage de la nouvelle revue radicale et du forum libéral), il prend maladroitement la défense des consommateurs de drogue! Evoquant l'insécurité qui règne à Lausanne et la volonté du municipal socialiste Grégoire Junod de faire la guerre aux dealers et de serrer la vis aux consommateurs, l'élu radical lausannois se lance dans un véritable plaidoyer pour épargner les usagers occasionnels: «Des citoyens intégrés, socialement et professionnellement, mais qui flirtent parfois avec la ligne rouge. Des cadres sur-stressés, qu'un peu de coke détend. Des pères et des mères de famille, adeptes d'occasionnelles visites aux paradis artificiels pour échapper à leur enfer quotidien. Les traquer et les sanctionner, c'est les pénaliser - au propre comme au figuré. C'est charger leur casier judiciaire et les entrainer dans un engrenage fait de discrédit et de chômage. Bref, c'est les faire plonger», écrit-il.

Aider plutôt que sanctionner

Gilles Meystre serait-il en train de cautionner la consommation de drogue? «Pas du tout!, lance-t-il. Mais ce que je décris est juste la réalité. Aller près du Distribus, le bus qui fournit seringues et autre matériel stérile aux personnes toxicodépendantes. Ce ne sont de loin pas que des marginaux. Toxicomane ne veut pas dire forcément marginal».Pour l'élu, s'attaquer aux consommateurs a pour effet de disperser les drogués au lieu de les orienter vers des structures qui peuvent les aider. Et de citer en exemple la vaste opération de police menée à la Place de la Riponne le 21 septembre dernier. Depuis cette date, le nombre d'usagers du Distribus a chuté. «Les policiers postés aux alentours du bus dissuadent les personnes qui sont encore capables d'aller chercher de l'aide de le faire. S'en prendre à ces gens, c'est les faire plonger en les mettant à l'index socialement alors qu'ils sont récupérables», assure-t-il.

Insécurité

Ces propos font sourire Rebecca Ruiz, présidente du parti socialiste lausannois qui y voit une certaine apologie de la consommation de cocaïne. «Quand Grégoire Junod parle de serrer la vis aux consommateurs, c'est d'abord à ceux qui le font de manière festive!», souligne la présidente du parti socialiste lausannois. Selon elle, le radical omet volontairement cet aspect de la consommation en lien direct avec la problématique de l'insécurité et de la vie nocturne lausannoise. «Vu sous cet angle, on touche à la liberté de commerce et, c'est un sujet sensible pour Gilles Meystre vu qu'il est directeur adjoint de Gastrovaud», glisse-t-elle.«Oui, une partie des consommateurs sont des cols blancs mais quel message transmet-on si on les laisse tranquilles?», renchérit Axel Marion. Etre stressé ne justifie pas l'utilisation de produits illégaux. Ou alors on va jusqu'au bout de ses idées et on prône une dépénalisation de la drogue», estime-t-il. Le co-président du PDC vaudois annonce qu'il est à 100% derrière la politique de Grégoire Junod.

Pas d'impunité

Du côté du PLR lausannois, on justifie les propos de Gilles Meystre par le fait qu'il fait partie du conseil de la Fondation Accueil à bas seuil (ABS) qui gère notamment le Distribus et qu'il est très impliqué dans cette problématique. «Il nous paraît effectivement contre-productif de multiplier les interventions policières qui éloignent les marginaux des structures d'aide mais, concernant les consommateurs festifs, le PLR ne partage pas son avis. Il doit y avoir un volet de prévention. On ne peut pas faire l'impasse sur la répression», précise Nicolas Gillard, président du PLR lausannois.

A Genève, on serre la vis

Des propos qui vont sans doute ravir le conseiller d'Etat Pierre Maudet. Le chef du Département de la sécurité genevois a déclaré récemment dans les colonnes de la Tribune de Genève vouloir «pourrir la vie» des consommateurs de drogue: «Il n'y a pas de tabou. C'est un marché d'offre et de demande. L'approche consiste à compliquer la vie des consommateurs».

L'avis de l'expert: «Regardons avec franchise le marché de la drogue!»

Alors que la gauche tire à boulets rouges sur les propos de Gilles Meystre, Jean-Félix Savary, secrétaire général du Groupement romand d'études des addictions (GREA) lance d'emblée: «Son discours est salutaire car il remet les consommateurs au cœur de la problématique. Il y a en effet toute une catégorie de personnes insérées socialement qui consomment des drogues».

Faut-il dès lors les laisser consommer en toute impunité?
Arrêtons de parler de tolérance, de laxisme ou d'impunité, ce sont de faux débats! Quand vous avez des gens qui consomment des drogues, la priorité est de mettre en place des mesures qui permettent de diminuer les conséquences négatives pour tous: les consommateurs et la société dans son ensemble. C'est le but de la politique des 4 piliers et nous savons, par expérience, qu'une répression trop forte nuit à cet objectif, en enfonçant les consommateurs dans leur pratiques, tout en augmentant les nuisances pour la société.

La répression aurait-elle un effet contraire dans la lutte contre la drogue?

Oui, des études ont démontré que les pays les plus répressifs sont ceux où il y a le plus de consommateurs. A l'inverse, le Portugal, qui a mis en place une politique de dépénalisation des drogues, a engendré une baisse de la consommation chez les jeunes. Cette dernière reste interdite, mais il n'y a pas de pénalité.

Lausanne devrait donc lâcher du lest?

Il semble que le problème actuel à Lausanne soit centré sur le sentiment d'insécurité et l'exaspération face au deal. Si on veut régler durablement ces problèmes, il faudra bien un jour ouvrir le débat de la réglementation des drogues, seule mécanisme susceptible d'apporter de vraies solutions à long terme.