«Le seul moyen de limiter les risques est de faire appel à des sociétés affiliées à notre fédération, c’est un gage de sérieux.»
Georges Zünd, directeur de la Fédération vaudoise des entrepreneurs
«Pour devenir propriétaire, il vaut mieux acheter un bien déjà construit car la qualité des récentes réalisations est tout simplement déplorable. Les ouvriers sont sous-payés et effectuent un travail de piètre qualité, c’est de pire en pire.» Cette opinion est celle du directeur d’une banque nationale que nous avons rencontré pour notre enquête. Un avis partagé par de nombreux spécialistes de l’immobilier.
Des travailleurs européens
Pour comprendre cette situation, il convient d’en saisir sa complexité. Il y a d’abord l’explosion des emplois de courte durée dans le canton. Selon les dernières statistiques disponibles, ils dépasseraient allégrement la barre des 24’000. Issus des vingt-huit pays de l’Union européenne, ces travailleurs, principalement masculins, arrivent sans permis pour une durée maximale de 90 jours par année. La majorité de ces employés précaires se retrouvent dans le bâtiment. Cette hausse qui cache souvent une sous-enchère salariale, sans oublier les ouvriers non-déclarés. Pour Pietro Carobbio, secrétaire régional chez Unia Vaud, il est temps de tirer la sonnette d’alarme: «Nous sommes très inquiets car les mesures d’accompagnement ne sont pas suffisantes et les salaires minimaux rarement respectés. Ces gens sont payés 12 francs de l’heure, c’est scandaleux. La récente crise en Europe a provoqué un afflux de travailleurs étrangers, c’est une situation idéale pour les employeurs peu scrupuleux.»
Sous-traitance en cascade
Dans un contexte où l’appât du gain l’emporte parfois sur la qualité de la construction, les employés sont donc souvent les premières victimes. C’est le cas d’Andrzej (*), un ouvrier polonais de 33 ans: «Je suis venu en Suisse en espérant avoir de bonnes conditions, c’est un pays riche! Pourtant, cela fait deux ans que je travaille pour un salaire misérable, je n’ai pu envoyer que 200 euros à ma famille restée au pays. J’ai appris cette semaine que ma boîte allait mettre la clé sous le paillasson alors que nous avons beaucoup de travail, je ne comprends pas!»
Une colère partagée par le Contrôle des chantiers de la construction dans le canton de Vaud. Son responsable entend garder l’anonymat par souci de sécurité, c’est la règle au sein de l’établissement vaudois: «Nous avons sept inspecteurs qui surveillent les divers chantiers cantonaux, mais le problème est qu’ils doivent faire face à une législation trop permissive. Certains patrons se mettent en faillite au moindre problème et recréent une société au nom d’un ami, c’est trop facile.»
Rester optimiste
Pour Georges Zünd, directeur de la Fédération vaudoise des entrepreneurs, la situation est à suivre de près, mais il convient tout de même de rester optimiste: «Nous avons introduit une carte professionnelle sur les chantiers afin d’être sûrs que les cotisations des ouvriers sont payées et les salaires minimaux respectés. Le seul moyen de limiter les risques est de faire appel à des sociétés affiliées à notre fédération, c’est un gage de sérieux.» L’autre pratique à la mode dans le secteur du bâtiment est celle de la sous-traitance en cascade. Une entreprise obtient un contrat de construction qu’elle sous-traite à une autre société. Il arrive souvent que cette chaîne infernale de sous-traitance concerne 4 ou 5 entreprises avec une absence totale de visibilité sur la bonne marche du chantier. En l’espace de quelques années, ces pratiques imaginées par des patrons peu scrupuleux sont parvenues à entacher la réputation d’un secteur qui était pourtant l’un des fers-de-lance du savoir-faire helvétique.
(*) nom connu de la rédaction