«Il faut sauver les archives de la radio»

- La RTS lance un ambitieux plan de sauvetage de ses archives radiophoniques.
- Enjeu: restaurer et numériser 100’000 heures de programmes enregistrés entre 1920 et 1990.
- Coût de l’opération: 8 millions de francs sur 5 ans.

  • Des disques 78 tours des années 1920 à 1950 et des bandes magnétiques de 1950 à 1990  seront numérisés. RTS/DR

    Des disques 78 tours des années 1920 à 1950 et des bandes magnétiques de 1950 à 1990 seront numérisés. RTS/DR

«Prendre le plus grand soin de notre mémoire est un devoir qui nous concerne tous»

Gilles Marchand, directeur de la RTS

«Les archives de la radio sont en danger», avertit d’emblée Gilles Marchand, directeur de la RTS. «Elles sont dans un moins mauvais état que les archives de la télévision en 2004, juste avant leur sauvetage, mais sauver ce patrimoine sonore inestimable s’annonce d’ores et déjà comme une tâche longue et délicate», prévient-il. Avant de préciser: «On parle de près de 100’000 heures de programmes. Il s’agit essentiellement de restaurer et numériser des disques 78 tours des années 1920 à 1950 et des bandes magnétiques de 1950 à 1990.»

Travail de titans

Les documents radiophoniques menacés par l’usure du temps sont multiples et témoignent de l’histoire de la Suisse romande sur près de 70 ans. Ainsi, si rien n’est entrepris, faits marquants de la vie économique, politique, culturelle et sociale, mais aussi émissions d’information, grandes interviews, commentaires sportifs en direct et divertissements risquent de s’effacer à tout jamais. «Certains documents sont uniques. Ils datent d’avant l’arrivée de la télévision, c’est dire qu’ils sont aujourd’hui la seule possibilité d’entendre les grandes voix du passé, celles qu’on appelle aussi les voix d’outre-tombe», pointe de son côté Françoise Clément, secrétaire générale de la Fondation pour la sauvegarde du patrimoine audiovisuel de la Radio Télévision Suisse (FONSART – lire ci-contre). Parmi celles-ci, il y a le vibrant appel du 1er Août 1940 du général Guisan, alors commandant en chef de l’armée suisse, une interview de l’écrivain Charles Ferdinand Ramuz de 1945 ou les commentaires sportifs du légendaire reporter Marcel-William Suès, plus connu sous le nom affectueux de Squibbs.

Recherches de soutien

Ce véritable trésor sonore, les experts doivent à présent le réécouter, l’indexer, le décrire avec précision avant de le sauvegarder sur des formats numériques. Pour effectuer ce travail de titans, une dizaine de collaborateurs et documentalistes sont mobilisés. Un énorme investissement pour la RTS. «Le coût de cette opération de sauvetage est estimé à environ 8 millions de francs sur cinq ans», précise Gilles Marchand. Qui ajoute: «Grâce au soutien notamment de Memoriav, de la Fondation Hans Wilsdorf et de la Loterie Romande, la RTS ne touchera pas trop à son budget opérationnel. D’autres recherches de soutien sont en cours.»

Accès gratuit au public

Budget bouclé ou non – il reste encore à trouver près de 4 millions – sauver ce patrimoine radiophonique est une priorité pour le directeur de la RTS. «Au moins pour deux raisons, pointe Gilles Marchand. Les archives fournissent d’inestimables informations sur l’histoire de la radio et, au-delà, sur celle de la Suisse romande. Notre responsabilité est de sauver et d’entretenir cette mémoire collective», affirme celui qui souhaite mettre ce formidable gisement sonore gratuitement à la disposition du grand public. «N’oublions pas que nous sommes une radio de service public.»

Matériel vivant

Dépoussiérer et pérenniser les archives a d’autres avantages. «En traitant l’archive comme un matériel vivant, on la rend utile pour fabriquer des programmes passionnants aujourd’hui», note encore Gilles Marchand. A terme, valoriser les archives pourrait même rapporter un peu d’argent. «Le site de la RTS est un des plus riches d’Europe. Les professionnels pourraient consulter et acheter ses contenus. Il faut aussi penser à la gestion des droits des images et des illustrations sonores.»

Devoir de mémoire

Rentables ou non, les archives de la RTS connaissent déjà un engouement grandissant auprès du public romand et étranger. Ainsi, près de 2000 internautes visitent chaque jour un passé étrangement d’actualité. Jugez plutôt. «Au cœur du conflit israélien», «Les saisonniers» ou «Maudite pluie». Autant de documents anciens remis au goût du jour qui rappellent aux oublieux l’importance de la mémoire et, accessoirement, que ce n’était pas forcément mieux avant. «Prendre le plus grand soin de notre mémoire n’est pas une option mais un devoir qui nous concerne tous. Un espace culturel sans mémoire est un espace qui n’a pas d’avenir», conclut Gilles Marchand.

www.rts.ch/archives/radio/