«Je veux défendre une éthique du résultat!»

  • Président du Conseil d’Etat, Pierre-Yves Maillard dresse le bilan de l’exécutif vaudois en ce début d‘année. 
  • Réforme RIE III, assurance-maladie, réinsertion des personnes sans emploi, les défis demeurent, même si le canton se porte mieux. 
  • Volontariste et engagé, à l’aise dans sa fonction, le socialiste laisse néanmoins planer le doute sur une éventuelle candidature en 2017.

  •  Président du Conseil d’Etat, Pierre-Yves Maillard. VERISSIMO

    Président du Conseil d’Etat, Pierre-Yves Maillard. VERISSIMO

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    Président du Conseil d’Etat, Pierre-Yves Maillard. VERISSIMO

  • Président du Conseil d’Etat, Pierre-Yves Maillard. VERISSIMO

    Président du Conseil d’Etat, Pierre-Yves Maillard. VERISSIMO

  • Président du Conseil d’Etat, Pierre-Yves Maillard. VERISSIMO

    Président du Conseil d’Etat, Pierre-Yves Maillard. VERISSIMO

<blockquote>«Être de gauche, c’est agir sur le réel et obtenir des résultats.»</blockquote> <blockquote>«En politique, il faut de l’obstination et de la persévérance.»</blockquote>

La fin de l’année 2015 a été marquée par l’élection de Guy Parmelin au Conseil Fédéral. Un Vaudois à Berne, c’est vraiment une bonne chose pour le canton?

Le fait de connaître un membre du Conseil fédéral, c’est toujours un plus. Bien sûr, Guy Parmelin ne fera pas de traitement de faveur aux Vaudois, mais sa connaissance des réalités de notre région sera un avantage. Nous sommes un petit pays, mais composé de mondes qui s’ignorent...

Cette année 2016 sera une nouvelle fois marquée par une hausse des primes d’assurance-maladie. N’est-ce pas désespérant?

En politique, il faut de l’obstination et de la persévérance. Il y a 10 ans, le canton de Vaud était 20% au-dessus de la moyenne suisse en termes de coûts Lamal. Aujourd’hui, nous ne sommes plus qu’à 10%. Nous avons également obtenu le remboursement d’une partie de l’excédent de primes payées par les Vaudois, un problème que j’avais soulevé en 2005! L’an passé, chaque Vaudois a reçu 117 francs sur son compte, et ce sera le cas chaque mois de juin des deux années à venir. Cela fait près de 500 francs par an pour une famille de quatre personnes. Cela montre qu’on peut agir. Cela dit, les augmentations des coûts de la santé et des primes d’assurance-maladie observées ces deux dernières années ne sont pas une fatalité. Elles sont dues à des choix politiques clairs!

Quels sont ces choix?

En fait, la cassure date de 2012 et est liée à deux réformes prises par les chambres fédérales, sous l’influence des cliniques privées et des assureurs. La première réforme a été la libéralisation du financement hospitalier qui a conduit les cantons à financer des hospitalisations privées ou hors canton auparavant à la charge des complémentaires à hauteur d’un milliard de francs d’argent public, tout en pesant sur les coûts de la Lamal. La deuxième réforme a été, déjà à l’époque, une première période sans moratoire pour les cabinets médicaux. En 18 mois, un surcroit de 300 médecins, parmi lesquels 250 spécialistes, a été enregistré sur le canton de Vaud, ce qui coûte chaque année entre 80 et 100 millions de francs à l’assurance-maladie des Vaudois! Le résultat de ces décisions a été une augmentation des primes en 2015 et 2016.

Ce qui n’a pas empêché le Conseil national de torpiller, en décembre dernier, le projet visant à ancrer le principe du moratoire dans la loi…

C’est d’autant plus insupportable que malgré ces résultats, on persiste et signe, sous l’influence du PLR et de l’UDC. Curieux tout de même que la seule libre circulation à laquelle l’UDC soit favorable soit celle des médecins!

Les lobbies des assureurs sont-ils si puissants à Berne?

C‘est le moins qu’on puisse dire! Le peuple doit donc pouvoir corriger et nettoyer cette impureté de notre système politique en limitant l’influence des lobbies. Au moins pour les assureurs-maladie qui sont, je le rappelle, des acteurs privés d’une tâche de service public déléguée par l’Etat. Cette question n’a jamais été posée par le biais d‘une initiative. Je suis favorable à ce qu’on la pose et espère que des forces vont s’engager dans ce sens! Mais il faut savoir que même si on revient à un moratoire, les décisions de 2012 impacteront encore les primes de 2017!

L’autre dossier dans lequel vous vous impliquez fortement est la réforme de l’imposition des entreprises RIE III, attaquée par référendum, et sur lequel nous voterons le 20 mars prochain!

Je me battrai avec tout le Conseil d’Etat pour ce projet. Pour une raison simple, et qui est d’actualité! Dans son application vaudoise, la RIE III comprend, entre autres avancées sociales, un dispositif inédit de protection du citoyen, qui limitera à 10% de son revenu les charges de l’assurance maladie.

Dans ce cas, pourquoi l’extrême gauche attaque-t-elle RIE III?

Elle veut se démarquer du grand compromis que ce projet représente, dans un sens, elle est dans son rôle. Mais en l’occurrence, elle privilégie la politique aux intérêts concrets des salariés et des personnes de condition modeste. Être de gauche, c’est agir sur le réel et obtenir des résultats. Rester toujours dans le discours et ne jamais rien obtenir, au fond, c’est ça, trahir ses idéaux, ne pas faire un compromis qui amène des avancées. Or le paquet RIE III vaudois apporte beaucoup, en plus de ce que j’ai évoqué: une augmentation substantielle des allocations familiales, un fonds pour la sécurité des travailleurs qu’UNIA a plébiscité. Ce référendum ne respecte pas ces avancées, ni le fait qu’en introduisant un même taux d’impôt modéré pour les multinationales et les PME, on protège l’emploi et on assainit notre système fiscal.

Quel jugement plutôt sévère!

J’ai trop vu de militants sincères et souvent jeunes perdre leur énergie et leur talent dans le sectarisme et l’idéologie stérile. C’est du gâchis. Je veux défendre une éthique du résultat, c’est la seule qui donne de l’espoir. Or pour obtenir des avancées réelles, il faut une articulation entre la lutte et l’engagement d’un côté, et la négociation et le compromis de l’autre. Nous autres socialistes avons souvent fait ce boulot, nous devons aussi l’expliquer et le défendre ouvertement.

Se pose également la question de l’accueil des réfugiés dans le canton...

La situation est difficile, même s’il faut relativiser les choses. Dans son ensemble, l’Europe a accueilli un million de réfugiés, la Turquie à elle seule en a 2 millions alors que le Liban voit près de 20% de sa population composée de réfugiés. Le canton de Vaud doit faire sa part, selon la répartition définie par la Confédération. Faire croire qu’il y a une échappatoire facile face à cette situation est inepte. Que fait-on face à une crise humanitaire de cette envergure? On érige des barbelés et envoie l’armée aux frontières? Il faut être sérieux. Dans ce domaine comme dans d’autres, la politique n’est pas impuissante, mais pas toute-puissante non plus.

Revenons aux réalités politiques vaudoises. Quelle est l’ambiance au sein du Conseil d’Etat, à mi-législature?

Jusqu’à présent, tout se passe bien, même si en tant que président, il faut parfois se lever tôt pour faire travailler sur un projet commun des sensibilités et des caractères si différents (sourire). Un gros travail a été fait dans cette première partie de législature: nous avons remboursé la dette et assaini la caisse de pension de la fonction publique, amélioré la protection sociale des Vaudois, réinvesti en termes de construction de lieux de formation, de places de détention, d’hôpitaux et d’EMS, avancé sur le financement des transports... Avec de larges majorités au Grand Conseil. Nous sommes bel et bien dans un esprit de compromis dynamique, même s’il nous reste encore des défis à relever, comme la réinsertion des personnes sans emploi, la transition énergétique...

Vous vous projetez dans l’avenir. Serez-vous candidat au Conseil d’Etat en 2017?

Je ne suis pas fatigué de ma fonction et envisage de m’engager à fond jusqu’au dernier jour, quel qu’il soit. Cela dit, je ne prendrai ma décision qu’au printemps. Les élections communales auront eu lieu, et ce sera l’occasion de voir l’équilibre des forces et les personnalités qui vont émerger. En même temps, il faut garder à l’esprit que nous sommes au service du peuple pour une durée déterminée! L’intégralité de cet entretien peut être lue sur www.lausannecites.ch+0+