Lausanne seule contre tous?

Après Berne, Genève propose un train de mesures destinées à gérer la vie nocturne.Celles-ci tranchent singulièrement avec celles mises en places cet été à Lausanne.Grégoire Junod minimise alors qu'un appel à manifester a été lancé sur Facebook.

  • A Berne et Genève, on devrait pouvoir faire la fête plus longtemps qu'à Lausanne.

    A Berne et Genève, on devrait pouvoir faire la fête plus longtemps qu'à Lausanne.

«Notre rôle, à nous les gens d'un certain âge, c'est de comprendre la jeunesse d'aujourd'hui et de lui offrir un cadre où elle peut s'amuser. Les années cinquante, c'est terminé!» C'était le 18 septembre dernier. Sur les ondes de la RTS, le maire de la ville de Berne, Alexandre Tschäppät, commentait les mesures que sa Municipalité venait de prendre pour régler les problèmes liés à la vie nocturne.En tout et pour tout 18 règles destinées à concilier animation et ordre public avec, notamment, la prolongation de l'ouverture des bars et des terrasses jusqu'à 5 heures, la possibilité d'organiser des fêtes en forêt et la transformation d'un bâtiment administratif en disco non commerciale où les jeunes n'auront aucune obligation de consommer. Dans la foulée, il annonçait également que la Ville renonçait à interdire la vente d'alcool le soir après 20 heures dans les magasins. Plutôt inédit par les temps qui courent!

Genève aussi

La semaine dernière, rebelote. Après Berne, autour de Genève d'annoncer un train de mesures plutôt défrisantes dans le cadre de la refonte de sa loi sur le divertissement. La plus spectaculaire d'entre elles? Sans aucun doute celle qui autorise l'ouverture des boîtes de nuit jusqu'à 7 heures en semaine, 8 heures durant le week-end. «C'est un test, notait à cette occasion Pierre-François Unger, le conseiller d'Etat en charge du dossier. Nous essayons quelque chose pour éviter les «afters» dans la rue et limiter ainsi les risques d'incidents.»Autre mesure envisagée pour réorienter les noctambules à la sortie des bars: offrir aux établissements situés loin des habitations la possibilité de servir de la restauration chaude 24 heures sur 24, du jeudi au samedi. À une condition: qu'il n'y ait pas d'animation musicale.

Chasse aux sorcières

«Ces deux villes montrent clairement que Lausanne fait fausse route, tonne Bruno Carvalho, patron du Mica Club, place St. François. Ce qu'elles viennent de proposer, Zürich et un tas d'autres villes européennes l'ont fait bien avant. Mais ici, on préfère se voiler la face et, pour des raisons purement électoralistes, faire une chasse aux sorcières. Et de préciser sa pensée: «Pour montrer que la gauche sait empoigner les problèmes sécuritaires, Grégoire Junod s'en prend aux petits clubs qui, dans leur grande majorité, n'ont jamais d'histoires. Il leur fait porter la responsabilité de ce que la police semble incapable de gérer dans la rue. C'est un peu facile!» Fondateur du Lido Comedy & Club, rue de Bourg, Thomas Lecuyer n'hésite pas à en rajouter une couche: «Même si les réalités bernoises et genevoises ne sont pas tout à fait les mêmes, tient-il tout de même à préciser, ce qui est fait ici est effectivement de la pure démagogie!»

«Ici, on préfère se voiler la face et faire la chasse aux sorcières.» Bruno Carvalho, patron du Mica Club

Le combat continue

Cet avis, ils ne sont pas les seuls à le partager. Les responsables d'une douzaine d'autres petits clubs et bars lausannois, réunis sous la bannière de la nouvelle association Loop, en opposition au Pool qui regroupait la plupart des établissements de nuits de la capitale vaudoise accusé d'être à la solde de la Municipalité, ils sont tout aussi remontés contre la nouvelle politique mise en place. Un tour de vis drastique qui les affectent particulièrement et qui met en danger leur existence, à l'image du mythique XIIIe siècle, dans le quartier de la Cathédrale, ou encore de la Ruche, rue de la Tour, des établissements situés dans des «zones de logements prépondérants» qui devraient impérativement fermer leurs portes à 3 heures du matin. D'où un appel à la manifestation, ce vendredi 11 octobre, lancé sur la page Facebook «Touche pas aux nuits lausannoises» qui regroupe quelque 5500 adhérents. «Nous participons au développement de la ville, aussi bien en termes culturels, touristiques qu'économiques, résume Thomas Lecuyer. Les autorités ne devrait pas l'oublier»

«Lausanne ne suit pas une voie différente»

Lausanne Cités: A l'opposé de Lausanne, Berne et Genève assouplissent les règles concernant la vie nocturne. Auriez-vous raison seul contre tous?
Grégoire Junod: Absolument pas. Lausanne ne suit pas une voie très différente. Les clubs qui respectent les règles de sécurité pourront ouvrir jusqu'à 6 heures une fois que la loi cantonale aura été modifiée. Par ailleurs, il est normal de faire en sorte que la population qui vit dans les quartiers du centre-ville ne souffre pas trop de la vie nocturne. Je souhaite pouvoir concilier vie nocturne, qualité de vie et sécurité.

Ces deux villes semblent être toutefois dans une approche différente. Elles privilégient l'ouverture et la concertation alors que vous semblez miser sur la répression…
Il n'est pas question de répression, mais de responsabilité. Nous demandons simplement aux clubs d'assumer leurs parts en termes de sécurité. Nous rencontrons par ailleurs tous les clubs régulièrement, le dialogue n'a pas été rompu et le dispositif pourra évoluer.

Dans tous les cas, nombre d'acteurs de la nuit estiment que vous pratiquer une véritable chasse aux sorcières uniquement pour des raisons électoralistes. Qu'est-ce que vous leur répondez?

N'ayons pas la mémoire courte. Il y a encore une année, les médias, à commencer par Lausanne Cités, ne parlaient des nuits lausannoises que pour dénoncer bagarres et violences. Tout le monde a réclamé des mesures, y compris les patrons de club. C'est exactement ce que nous faisons en cherchant à sortir par le haut du climat délétère que nous avons connu.