Le camping, une réalité qui n’est pas qu’estivale!

- Plusieurs centaines de personnes vivent à l’année au camping en Suisse romande.
- Leurs motivations sont souvent économiques, mais d’autres facteurs entrent aussi en ligne de compte.
- Dans le canton de Vaud, ce mode de vie n’est théoriquement pas permis par la loi.

  • Yvette Helfer, qui veut depuis 3 ans en camping, ne regrette pas son choix. GRABET

    Yvette Helfer, qui veut depuis 3 ans en camping, ne regrette pas son choix. GRABET

  • Le camping, une réalité qui n’est pas qu’estivale!

    Le camping, une réalité qui n’est pas qu’estivale!

«Ici, on prend le temps de prendre son temps. Et on n’est jamais seul tout en pouvant s’isoler quand on veut!»

Michel Pahud

À l’heure où de nombreuses personnes s’apprêtent à prendre le chemin des vacances et à passer, pour beaucoup, un séjour sous tente ou dans une caravane, il est pour le moins surprenant de savoir que vivre au camping à l’année en séduit plus d’un. Ainsi au camping de Vidy, à Lausanne, en moyenne une à deux personnes appellent par jour en quête de place. Et en Romandie, ce ne sont pas moins d’une quinzaine de camping qui sont ouverts toute l’année. Beaucoup ont des listes d’attente et tous ne sont pas réservés à des personnes déshéritées ou en rupture sociale.

Un village convivial

La retraitée Yvette Helfer l’illustre bien. Après une vie jalonnée de longs et lointains voyages et un métier de restauratrice dans les montagnes californiennes, la septuagénaire et feu son mari se sont fixés au camping de Vidy, à deux pas du lac Léman, voici 3 ans. «À notre retour, après avoir vendu notre maison, nos deux voitures et presque tout le reste, on a préféré investir 80’000 fr. dans un mobile home de 35 m², qui est en définitive comme un petit studio, que de se coltiner la vie stérile des immeubles locatifs d’aujourd’hui», explique la Vaudoise qui ne regrette pas son choix. «Ici, on a l’indépendance, le grand air, la convivialité et même un certain confort.»

Ses voisins Suzy, artisane de 57 ans et Yvan Grize, électricien en recherche d’emploi de 60 ans, qui de leur côté n’ont pourtant pas l’eau courante, renchérissent en évoquant une «ambiance digne de la série télé Camping Paradis». «On est un village de Sioux. Il y a des étudiants, des salariés et des retraités. Tout le monde se connait et s’entraide. L’hiver, on se fait des fondues et l’été, on toque chez les voisins avec une bouteille pour improviser un apéro», se réjouissent ces quinquas qui en 2007 ont troqué leur attique à 2 400 fr. par mois au centre-ville pour deux caravanes coûtant trois fois moins. «Dès qu’il fait beau on est dehors et le matin on est réveillé par les oiseaux. Et même si en hiver il faut marcher vite pour aller au bloc sanitaire, on préfère cette vie riche de rencontres à d’autres où on serait enchaînés à nos biens! »

Précarité et partage

Le couple est officiellement domicilié au camping. Ce n’est pas le cas du dynamique Michel Pahud. Ce fournisseur en viande de 56 ans fait partie de la «grande famille» depuis 3 ans. Il y a investi un mobile home de 24 m² suite à son divorce. «Moi qui vivait dans un 200 m² avec tous les tracas qui vont avec, jamais je n’aurais imaginé ça, mais aujourd’hui je ne reviendrais plus en arrière. En rentrant le soir, je me sens illico en vacances. Ici, on prend le temps de prendre son temps. Et on n’est jamais seul tout en pouvant s’isoler quand on veut!» À Genève, au camping du Bois-de-Bay, perdu au milieu d’une zone industrielle, la vie n’est pas si rose. Tout au moins celle de Jean-Jacques Weber, l’une des 30 personnes à vivre ici à l’année. Le Genevois de 57 ans y est contraint depuis 4 ans et peut le faire grâce à l’Hospice général, car il n’a que 1000 fr. de revenu mensuel. «Je suis charpentier mais au chômage depuis un moment, explique-t-il en traversant le brouillard direction les douches. À mon âge, retrouver du travail est difficile surtout que j’ai des soucis de santé, du coup je dois vivre là-dedans en attendant mieux.» Et l’homme de désigner la caravane défraichie qui lui tient lieu de maison depuis trop longtemps.

Heureusement, il y a les grillades partagées régulièrement avec Cinto Da Silva. Nains, petit jardin potager, tonnelle, ce mécanicien au chômage de 53 ans, n’a pas ménagé ses efforts pour rendre les lieux conviviaux. «Je ne reviendrais au béton pour rien au monde», assène-t-il tandis qu’une grue, posée dans la zone industrielle voisine, tournoie bruyamment au-dessus de sa tête.

Illégal sur Vaud

Sur Vaud, vivre à l’année dans l’un des quelques quarante campings du canton n’est pas permis. Cette pratique est contraire à la loi vaudoise de 1978 sur les terrains de campings et caravanings résidentiels. Laquelle spécifie que les installations situées dans ces zones sont destinées à l’habitation secondaire. «Le séjour à l’année dans un camping revêt donc un caractère exceptionnel et qui doit garder un aspect temporaire», souligne Jean-Charles Lagniaz, responsable administration mobilité à l’État de Vaud.

Pour des questions d’aménagement du territoire, les autorités refusent de voir les campings se transformer en ghetto pour personnes modestes. Malgré cela, ces dernières années, plusieurs contrôles des habitants, à l’image de celui de Lausanne, se montrent plus souples qu’auparavant sur ces questions. Les communes peuvent organiser des contrôles et en cas d’abus extrême prendre des sanctions pouvant aller jusqu’à la fermeture du camping incriminé.