«Le canton va bien, mais la vigilance est de mise»

  • Dans un contexte économique européen et international très perturbé, la Suisse et le canton de Vaud tirent pour l’instant leur épingle du jeu. 
  • Le Conseiller d’Etat en charge des finances cantonales appelle toutefois à se ressaisir. 
  • BNS, initiatives anti-économiques, préservation du modèle suisse et mesures à prendre, Pascal Broulis nous dit tout.

  •  Pascal Broulis, Conseiller d'État en charge des finances vaudoises. PHOTO: VERISSIMO

    Pascal Broulis, Conseiller d'État en charge des finances vaudoises. PHOTO: VERISSIMO

«Exergue» Signature exergue

La Suisse est passée à un cheveu de la récession, de nombreux pays européens vont mal. Comment se porte le canton de Vaud?

Le canton va bien. En bonne partie du fait qu’il n’a pas de dette et que son tissu économique connaît une diversification très forte. Nous ne sommes pas dans la situation de Genève qui a un gros problème cette année. Ni de la Ville de Lausanne qui demeure tres endettée. Le canton de Vaud est même un des derniers bastions suisses à être noté d’un triple A! 2015 ne sera pas mirobolant pour le canton mais il n’y aura pas de déficit.

Et comment est la situation sur le front de l’emploi et du chômage?

Le chômage ne va pas forcément augmenter, mais il est clair que la pluralité des postes offerts est en danger. Les banques par exemple, ont licencié! Il nous faut donc rester vigilants: Vaud ne peut pas être un îlot perdu au milieu de tout ce qui se passe ailleurs en Suisse et dans le reste du monde... Le moins que l’on puisse dire est que le contexte est plutôt chahuté...

Chahuté? Sur quels plans?

D’abord à l’échelle internationale, où les fondamentaux sont perturbés. Les BRIC par exemple sont très instables: l’Inde et le Brésil sont dans une situation compliquée, la Russie est mise au ban des nations, la Chine est en difficulté. Or ces pays sont pourvoyeurs d’emploi pour la vieille Europe! En fait, l’environnement international est beaucoup plus nerveux qu’il y a 20 ans. Les cycles économiques qui duraient 5 à 7 ans font aujourd’hui 18 mois. Tout est plus rapide, moins stable et donc moins sécurisant.

La Suisse est plutôt reconnue pour sa stabilité dans ce contexte...

Oui mais nous avons commis beaucoup d’erreurs ces dernières années. Pour des raisons électoralistes, les précédentes élections fédérales ont été l’occasion d’une salve d’initiatives, Minder, successions, Ecopop etc., qui, adoptées ou non, ont eu une influence déstabilisante sur le modèle suisse. Le résultat c’est que nous nous sommes créés nous-mêmes des barrières. Et il y a une baisse d’attractivité non seulement du canton de Vaud, mais de la Suisse tout entière...

A quoi ressentez-vous cette baisse d’attractivité?

Depuis la votation sur les forfaits fiscaux, le canton de Vaud a perdu près de 30 millions de francs. Si des enterprises ne sont pas parties, beaucoup ne se sont pas installées chez nous. Les inquiétudes portent sur la stabilité juridique, l’obtention de permis de travail pour les employés, la visibilité à moyen terme pour tenir leurs objectifs de planification, etc.

Quel rôle a joué l’abandon du taux plancher du franc dans la situation économique du canton?

Je l’ai dit dès le début, cette décision était une erreur stratégique qui a mis à mal la confiance de l’économie et a beaucoup compliqué la situation. En moyenne, 40% des enterprises ont gagné avec le franc fort. C’est le cas de Migros ou de Coop. 25%, celles qui travaillent sur le marché intérieur, n’ont pas subi d’impact. Le reste soit 20 à 25%, toutes les entreprises liées au tourisme ou tournées vers l’exportation, ont souffert même si elles ont judicieusement pris des mesures très rapides.

Au final, la situation n’est donc pas si catastrophique...

C’est un peu le rôle d’un ministre des finances de souffler le chaud et le froid, pour expliquer et sensibiliser. Alors, non, en Suisse aussi bien que dans le canton de Vaud, nous avons des armes pour faire face et il faut rester calme. Mais oui, il faut que l’on reprenne nos esprits et que l’on revienne à ce qui a fait les fondements du modèle économique et social suisse, en évitant d’ériger des barrières inutiles.

Qu’entendez-vous faire en ce sens, au niveau du canton?

Nous devons consolider notre politique: en clair, maîtriser les charges de notre budget, absolument réussir la 3e réforme de la fiscalité des entreprises (RIE 3), et rester un canton ouvert. Ce cadre législatif doit être adopté au plus vite pour redonner de la clarté aux grandes entreprises qui ont exprimé beaucoup d’inquiétudes en ce domaine. Faute de quoi elles continueront à préférer l’Irlande! Enfin, il faut consolider la cohésion sociale et encourager et investir dans des petits projets autour de la recherche et de la technologie et qui par effet de levier dynamisent l’économie!

Et en matière de tourisme?

J’ai été très choqué par la campagne de presse qui a été menée en Suisse alémanique contre les Chinois. C’est une catastrophe et c’est stupide au moment où ils commençaient à venir dans notre pays. Un habitant sur cinq sur la planète est Chinois. Alors, moi je leur dis: venez dans le canton de Vaud, on vous aime pour de vrai! Ceci d’autant que Pékin a été choisie pour les Jeux Olympiques d’hiver et que durant les 8 ans à venir, les relations avec Lausanne, capitale olympique, vont se renforcer!