Le combat se durcit et commence à porter ses fruits!

ACCÈS AUX RIVES DES LACS ET COURS D’EAUX • Depuis plusieurs années, l’association Rives publiques se bat pour que les berges des lacs et cours d’eaux soient accessibles à tous. Dans le canton de Vaud,10 communes sur 38 respectent entièrement la loi. 5 communes pas du tout. Un recours administratif vient d’être déposé contre celle de Mies. Il pourrait faire jurisprudence.

  •  Cette barrière illicite à Tannay (partie verte du treillis à gauche) a du être démolie suite à un jugement du Tribunal cantonal du 30 juin 2014. DR

    Cette barrière illicite à Tannay (partie verte du treillis à gauche) a du être démolie suite à un jugement du Tribunal cantonal du 30 juin 2014. DR

A qui appartiennent les rives du lac? En Suisse, la réponse est claire: au peuple! Les 142 kilomètres des berges suisses du lac Léman relèvent donc du domaine public. Plus même, dans le canton Vaud, la loi sur le Marchepied (LML), qui date de 1926, et son règlement d’application (RLML) , font partie des règles légales les plus explicites du pays. Elles définissent l’emplacement précis et la largeur, deux mètres au minimum, du libre passage qui doit directement exister aux bord des eaux publiques

Une loi bafouée

Seulement voilà, dans ce beau pays de droit qu’est l’Helvétie, il arrive parfois qu’il y ait un gouffre entre la réalité et... la pratique! En vigueur depuis 89 ans, ce texte n’est en effet de loin pas appliqué. Une simple balade sur les rives du Léman, à l’est de Lausanne, mais aussi et surtout sur sa portion est, de Morges à Genève, le démontre aisément: de nombreuses propriétés privées, souvent très grandes et très luxueuses, dotées de pontons, de ports ou encore de murs ou de portails, en interdisent tout simplement l’accès. Président et fondateur de l’association Rives publiques,Victor von Warturg, se bat depuis très longtemps pour que cette situation change. «Les lacs font partie de notre patrimoine», explique-t-il. «Ce patrimoine appartient à tous les habitants de ce pays. C’est un bien commun. Il est inadmissible que leurs rives soient privatisées par des égoïstes qui croient qu’on peut tout acheter. Les rives ne sont pas à vendre et encore moins à donner!»

Communes visées

De recours en recours, l’Association et son président se sont faits un nom. Et ont souvent obtenu gain de cause dans le cadre de dossiers litigieux. Mais des communes rechignent encore à passer à l’acte et traînent les pieds. «Certains syndics savent pertinemment qu’ils violent la loi, précise Victor von Wartburg. Mais de peur, croyent-ils, de perdre de richissimes contribuables, ils s’en contrefichent.»

Les choses pourraient toutefois enfin changer. En mars dernier, Victor von Wartburg remportait une première victoire. Convoqué devant le tribunal pour avoir volontairement, et en présence de la presse, détaché 2.50 m de treillis d’une clôture illicitement érigée par un propiétaire riverain de Tannay qui bloquait le passage à une jolie grève et au lac, il a certes été condamné, mais le Tribunal a, dans la foulée, reconnu l’illégalité de la clôture et ordonné sa démolition.

Aujourd’hui, Rives publiques va encore plus loin. Dans le collimateur, la commune de Mies cette fois, dernier «rempart» vaudois sur les rives du lac en direction de Genève. Le 2 juillet dernier, les avocats mandatés par l’association et 11 habitants des bords du Léman ont déposé un recours à la Cour de Droit Administratif et Public (CDAP) du Tribunal cantonal vaudois, sa municipalité ayant refusé d’entrer en matière concernant la requête que l’association leur a soumise le 13 février de cette année. Celle-ci visait à faire ouvrir la totalité des 1430 mètres des rives communales, parmi lesquelles 1150 mètres de rives privatisées par 17 parcelles grevées par des servitudes de passage public à pied pourtant inscrites au registre foncier. «Est-ce que les impôts et l’influence des 17 propriétaires riverains sont à ce point aveuglants?» questionne Victor von Wartburg. «Cette commune s’illustre par le nombre d’infractions recensées contre les textes de lois. Nous comptons sur un jugement exemplaire qui lui ordonnera d’enfin les respecter, ce qui ferait jurisprudence. De plus, cela nous permettrait dans la foulée d’être officiellement reconnus comme qualifiés pour recourir.»

Victor von Wartburg, habitué des combats de longue haleine, ne veut toutefois pas trop se réjouir. C’est sans doute pourquoi son association prépare parallèlement le lancement d’une initiative populaire fédérale qui vise constitutionnellement à assurer le libre accès aux rives comme aux forêts et à mettre sur pied d’égalité toutes les communes suisses en les obligeant en outre à respecter les votations populaires en la matière.