Un simple coup d'œil sur les annonces de journaux ou les sites web spécialisés permet de constater que parmi les prostituées, il y a de plus en plus d'Inès, Lola, Paloma, Carmen ou encore d'Isabel. Ces nombreux prénoms espagnols sont révélateurs d'une situation indéniable: l'arrivée massive en Suisse romande de prostituées des pays européens en crise, l'Espagne en tête.«Il est vrai qu'il est de plus en plus fréquent que nous entendions une nouvelle venue dans la prostitution lausannoise qui nous explique qu'elle est là car elle a perdu son job en Espagne», confirme Anne Ansermet-Pagot, la directrice de l'association Fleur de pavé, spécialisée dans l'accompagnement des travailleurs du sexe. «D'ailleurs, il y en a plus d'une qui ne s'étaient jamais prostituées avant leur arrivée dans notre pays», ajoute-t-elle. Celles-ci se retrouvent autant sur les trottoirs que dans les salons ou les agences d'escorting haut-de-gamme.
Le piège du luxe
Les difficultés économiques amènent ces filles dans une telle impasse qu'elles prennent la décision d'abandonner leur entourage, et pour certaines leurs enfants, afin de partir faire le plein d'argent en Suisse. Toutes partent donc avec un objectif précis, mais peinent tout de même à arrêter une fois qu'il est atteint.C'est en tout cas ce que constate R.G., la manager du site web bemygirl.ch: «Certaines arrivent à gagner plus de 1000 francs par jour. Elles atteignent donc très vite une somme qui leur permettrait de vivre confortablement dans leur pays. Mais, elles se laissent griser par l'argent rapide et peinent à décrocher.» A l'en croire, certaines se font piéger par leur consommation de produits de luxe ou d'opérations de chirurgie esthétique qui les rendent, en quelque sorte, otages de ce nouveau mode de vie drastiquement différent de celui auquel leur pays en crise les avait habituées.
Une grande famille
Bon nombre d'agences romandes ont saisi que les femmes espagnoles étaient un filon porteur à développer. Les grands quotidiens comme El Pais ou El Mundo contiennent d'ailleurs régulièrement des petites annonces proposant aux femmes de tenter «l'aventure helvétique». Etant donné que la plupart d'entre elles ne parlent pas français, c'est l'agence ou le salon qui s'occupera de faire leur promotion et de recevoir les appels des clients intéressés.Logées généralement en groupes, elles se soutiennent et tentent de gagner ensemble un maximum d'argent, notamment en se mettant en scène dans des vidéos érotiques afin d'appâter les clients. Cela dit, Anne Ansermet-Pagot tempère ce tableau idyllique: «Tout n'est pas rose pour ces filles qui prennent des risques importants du fait qu'elles ne comprennent pas la langue et qu'elles sont parfois prêtes à accepter trop de choses pour gagner leur vie!» A chaque crise importante dans un pays européen, l'offre de la prostitution suisse augmente et fait simultanément baisser les prix. Une conséquence dramatiquement humaine à des problématiques économiques.
"Tout n'est pas rose pour ces filles qui prennent des risques importants». Anne Ansermet-Pagot, directrice de l'association Fleur de pavé"
Anne Ansermet-Pagot, directrice de l’association Fleur de pavé