Les jeunes contre Leuba

- Le gouvernement vaudois planche sur une interdiction de la vente de spiritueux et bières entre 20h et 6h et sur les «happy hour».
- Les jeunes PLR vaudois lancent une pétition contre cette perte de liberté. Les jeunes PDC suivent.
- Le milieu de la prévention se réjouit, mais s’interroge sur les résultats concrets.

«On ne fonde pas une politique de prévention sur des interdictions» Arnaud Durand, membre du Comité des Jeunes démocrates chrétiens vaudois

Face à la grande inquiétude des villes, des professionnels de la prévention et de certains établissements de nuit au sujet des dérives nocturnes, l’Etat de Vaud se devait de réagir.

Début janvier, par l’entremise de Philippe Leuba, Conseiller d’Etat en charge de l’écononomie et du sport, il a donc proposé de modifier la loi sur les auberges et les débits de boissons, tout spécialement en ce qui concerne la vente à l’emporter. «Nous nous sommes concentrés sur les types de consommation qui posaient problème et créaient des situations de violence», expliquait-il alors. Conséquences: un projet de loi qui vise à interdire la vente de bière et d’alcool fort à l’emporter entre huit heures le soir et six heures du matin, de même qu’à interdire les promotions qui poussent à la consommation, telles que les «happy hours ou «open bar» (lire encadré ci-dessous).

Les jeunes contre Leuba

A première vue raisonnables, ces mesures irritent toutefois les jeunes qui, paradoxalement, n’hésitent pas à parler de «punition collective». La première charge a en tous cas été portée par les jeunes PLR qui se sont ainsi opposés de plein front à leur ministre en lançant la pétition «Du sirop à l’apéro? NON!»

Oriane Engel, la présidente des JLRV, y voit une inutile restriction de sa liberté: «La loi actuelle est déjà très mal appliquée dans les établissements, on ne voit pas pourquoi il faudrait infantiliser tous les consommateurs et nous empêcher de faire un apéro improvisé en sortant du travail ou de l’école.» De plus, à l’entendre, les jeunes qui voudront absolument ressentir l’état d’ivresse se mettront simplement à acheter du vin.

« Il faut plutôt renforcer la prévention, mieux former les employés de bar et faire bien comprendre les conséquences aux jeunes ivres en leur faisant payer le traitement de dégrisement», propose encore Oriane Engel.

«On ne fonde pas une politique de prévention sur des interdictions», renchérit Arnaud Durand, membre du Comité des Jeunes démocrates chrétiens vaudois, qui ont décidé de soutenir la pétition. «Nous ne pouvons pas accepter la mise sous tutelle de l’ensemble des consommateurs alors que les lois en vigueur sont très mal respectées dans le canton, notamment au niveau des âges légaux de vente d’alcool, comme l’a montré une étude récente. »

Boissons à problèmes

Malgré les possibilités évidentes de contourner la loi en achetant du vin ou en faisant des provisions d’alcool avant 20 heures, la cheffe de projet jeunesse de la Croix-Bleue romande est toutefois convaincue que les effets seront positifs. «Quand on aura supprimé les bières trop bon marché que l’on achète au milieu de la nuit ou les happy hours qui ressemblent à une course à l’ivresse, il y aura moins de tentations pour les jeunes», argumente Thaïs Fabre. D’ailleurs, la jeune femme désapprouve jusqu’au titre de la pétition: des jeunes PLR. «Ils semblent ironiser sur le fait de boire du sirop. D’un point de vue prévention, c’est totalement contre-productif!»

Reste alors la question de la liberté individuelle et de la responsabilisation de chacun, un thème au cœur de la politique libérale. N’est-ce donc pas étonnant de la part de Philippe Leuba de promouvoir une telle restriction du commerce? «Pas du tout! J’estime que cela fait aussi partie de ma liberté de ne pas me faire casser la gueule par un fêtard éméché lorsque je sors le soir», objecte le Conseiller d’Etat.

A la demande de la Ville de Lausanne

PK • Au début du mois de janvier de cette année, le Conseil d’Etat vaudois annonçait son intention de réviser la Loi sur les auberges et les débits de boissons (LADB). Cette modification répondait à une demande de la Ville de Lausanne, confrontée à de nombreux débordements causés par des jeunes alcoolisés. Ces mesures visent à diminuer la consommation d’alcool en soirée. Elles s’appliquent à la bière et aux alcools forts, purs ou mélangés, car ce sont des boissons essentiellement consommées par les jeunes. Le vin n’est pas concerné. A l’intérieur des établissements, la promotion de la consommation d’alcool sera bannie sous toutes ses formes, de l’«happy hour» à l’«open bar», en passant par les concours permettant de gagner de l’alcool. Les sanctions seront par ailleurs durcies contre les exploitants qui ne respecteraient pas le cadre légal. Une interdiction personnelle d’exploiter pourrait être prononcée pour une durée jusqu’à 5 ans. Le Grand Conseil doit encore approuver ces mesures. Mais les autorités souhaitent que le processus soit rapide afin que les restrictions puissent être imposées le plus vite possible. Une fois la loi cantonale en vigueur, Lausanne pourra appliquer un volet supplémentaire de son dispositif de pacification des nuits.