Les régies abusent-elles des frais administratifs?

  • Le marché locatif est tendu dans les deux capitales lémaniques où les taux de vacances sont historiquement bas.
  • Des régies en profitent pour tenter d’imposer à leurs locataires qui résilient leur bail des frais de départ abusifs. 
  • L’Union des professionnels de l’immobilier (USPI) pour la Suisse romande estime pour sa part qu’une résiliation anticipée engendre de véritables dépenses.

  • C'est au moment de la résiliation d'un contrat que certaines agences réclament des frais administratifs. DR

    C'est au moment de la résiliation d'un contrat que certaines agences réclament des frais administratifs. DR

«Les locataires préfèrent bâcher de peur d’être catalogués quérulents» Jean Christophe Schwaab, conseiller national spécialiste des questions de droit du bail

A Lausanne et Genève, le marché immobilier est plus tendu que jamais et les fameux taux de vacances sont anémiques (lire encadré). Dans ces conditions, de nombreuses régies abusent de plus en plus d’une pratique récurrente pour soutirer 100 à 200 francs à leurs locataires sur le départ. Alexis, qui préfère garder son véritable prénom pour lui «histoire de ne pas être blacklisté lors d’un prochain déménagement» (ndlr: une pratique qui d’après l’Asloca n’a pas court), a failli en être victime.

Son cas qui fait figure d’exemple: «Peu après avoir donné mon congé, j’ai reçu un courrier de ma régie qui me réclamait, bulletin de versement à l’appui, 200 francs de frais administratif pour résiliation anticipée. Cette lettre renvoyait à une clause du bail stipulant la chose et signée des années auparavant.»

Une démarche abusive?

Le trentenaire est à deux doigts de payer. Heureusement, il découvre auprès de l’association suisse des locataires que plusieurs jurisprudences ont établi que faire payer des frais administratifs pour résiliation anticipée est abusif. Et ce même si le bail les prévoyait.

Mais vu qu’il n’existe aucune loi l’interdisant formellement, certaines régies passent outre. La morale leur donne tort mais le bilan comptable pas. Et pour cause, d’après les offices statistiques concernés, respectivement 100’000 et 39’000 personnes déménagent chaque année dans les cantons de Vaud et Genève.

Pénalité de sortie

Carlo Sommaruga, conseiller national (PS/GE), qui est aussi secrétaire général de l’Asloca romande, déplore par ailleurs qu’en cas de refus de payer ce qu’il qualifie de «véritable pénalité de sortie», les régies vont parfois jusqu’à bloquer la garantie de loyer ou considérer le bail comme courant toujours. Là encore, c’est abusif.

«Mais les régies tiennent le couteau par le manche et de nombreux locataires préfèrent bâcher de peur d’être catalogués quérulents et de ne plus trouver à se loger», regrette de son côté le Lausannois Jean Christophe Schwaab, conseiller national (PS/VD) spécialiste de ces questions.

Alexis a eu plus de chance. «Alors que je l’avais appelé pour savoir quand ma garantie serait libérée, une employée de ma régie m’a bien affirmé par téléphone que mon bail courrait toujours. Mais vu que je ne me suis pas laissé faire, arguments légaux à l’appui, elle s’est immédiatement ravisé et excusé prétextant une erreur. Difficile de dire si c’en était effectivement une ou s’il s’agissait d’une autre tentative de profiter de l’inculture juridique du locataire lambda que je ne suis plus.»

Si sa régie avait persisté, Alexis aurait pu saisir d’une simple lettre et gratuitement l’autorité de conciliation. Voire remonter jusqu’au Tribunal des baux si cette première démarche n’avait pas débloqué la situation. Mais cela prend du temps et de l’argent si on n’a pas de protection juridique.

«Une résiliation anticipée engendre de véritables dépenses»

Trois questions à Frédéric Dovat, secrétaire général de l’Union des professionnels de l’immobilier (USPI) pour la Suisse romande.

Pourquoi de nombreuses régies persistent à facturer des frais administratifs abusifs lors des départs anticipés?

Tout d’abord, cette pratique n’est pas si généralisée que cela. Ensuite, une résiliation anticipée engendre de véritables dépenses: il faut par exemple rédiger un nouveau bail et procéder à une clôture intermédiaire. Ces frais ne sont pas abusifs dès lors qu’ils sont justifiés et font l’objet d’une clause sur le bail.

Mais les régies prélèvent 3.5 à 5% des loyers pour administrer. Elles sont donc payées deux fois pour un même travail?

Evidemment pas. Chaque cas est différent. Les frais administratifs réclamés en cas de résiliation anticipée le sont lorsque le propriétaire du bien en question ne les règle pas lui-même. Les locataires concernés pensent que les régies profitent d’un marché saturé pour exagérer. Certains craignent d’en pâtir à l’avenir s’ils refusent de payer.

Qu’en est-il?

Cette vision est erronée. D’autant que si ces personnes résilient, c’est qu’elles ont déjà trouvé un autre logement.