Les Vaudois, égarés de Dieu

En 10 ans, la proportion de Vaudois qui se déclarent sans confession a doublé, passant à 26% de la population. Derrière ces «mécréants» officiels, se cache une grande diversité de situations.

  • Charlton Heston, dans les Dix Commandements.

    Charlton Heston, dans les Dix Commandements.

Les Vaudois seraient-ils devenus des mécréants? Des athées convaincus pourfendeurs de curés et autres rabins ou imams? Les chiffres semblent en effet le laisser penser. Selon les dernières statistiques publiées par le SCRIS, le service cantonal de la statistique, et portant sur les populations âgées de plus de 15 ans en 2010, la part des personnes ne faisant partie d'aucune communauté religieuse a doublé en moins de 10 ans. En 2010, environ 26% de la population se déclarait sans religion, contre 13% en 2000. Ce sont surtout les protestants qui reculent, passant de 40 à 29%, tandis que la proportion de catholiques demeure à peu près stable avec 31% de la population.

Toute la Suisse

Comment expliquer ce brutal désamour pour les choses célestes, qui de toute évidence ne touche pas seulement les Vaudois, mais l'ensemble des Suisses? Le canton de Genève affiche ainsi la même évolution avec un bon 35% de sans confession, quasi la première communauté «religieuse» du bout du lac, même si les catholiques flirtent encore de justesse avec les 37%. Pour toute la Suisse, la proportion de «mécréants» est également passée de 11% en 2000 à... 25% en 2009. Une évolution marquée, qui trouve son explication dans une multitude de facteurs.D'abord, le fait qu'en situation de crise, certains, qui demeurent tout aussi croyants que dans le passé, souhaitent néanmoins se soustraire à l'impôt ecclésiastique, histoire de mieux arrondir leurs fins de mois au prix de quelques manquements divins. D'autres enfin, comme de nombreux catholiques, demeurent également attachés à leur religion, mais souhaitent se distancier de leur communauté, ne se sentant plus concernés par le message qu'elle véhicule, en raison de prises de position sur le préservatif où sur des sujets de société. Ils répondent volontiers «non» aux questionnaires auxquels ont les soumet, et sont comptabilisés, à tort, parmi les non croyants.

Changements sociologiques

Et puis, il y a clairement un changement sociologique majeur qui se dessine. «Sous l'effet des migrations et de l'apparition en Suisse de religions traditionnellement exogènes, on observe une pluralisation du champ religieux qui implique que les gens mobilisent plus volontiers des croyances diverses qu'ils n'affichent l'adhésion à une communauté précise, explique Mallory Schneuwly Purdie, chercheure à l'Institut de sciences sociales des religions contemporaines (ISSRC) de l'Université de Lausanne. C'est l'ère de ce que l'on appelle le bricolage religieux. »L'autre élément est l'apparition de mariages biconfessionnels, ou unissant croyants et non croyants. Il s'avère que les enfants issus de ces unions mixtes auront tendance à ne revendiquer aucune appartenance confessionnelle, ce d'autant plus facilement si l'un des parents n'en a lui-même pas. «Par souci de liberté religieuse, la non appartenance se transmet mieux que l'appartenance confessionnelle, constate Mallory Schneuwly Purdie, qui conclut: au fond, les Suisses ne sont pas devenus mécréants. Ils se sont distanciés et affichent désormais une forme d'indifférence aux dogmes chrétiens».