Polémique sur fond de crispation

La décision de justice qui met en cause l’organisation des taxis lausannois suscite la polémique. Les relations entre chauffeurs des différentes catégories sont aujourd’hui extrêmement tendues. Le service intercommunal des taxis peine à trouver une solution rapide et drastique.

  • ©Valdemar VERISSIMO

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«Certains chauffeurs tentent de bloquer les véhicules» Pierre-André Giacometti

Dans notre édition du 6 février dernier, nous vous avions fait part en exclusivité de la décision de justice qui désavouait le système en cours dans l’organisation des taxis de la région lausannoise. Une décision qui faisait suite à une démarche de Pierre-André Giacometti, lui-même chauffeur de taxi au bénéficie d’une patente B, qui avait jugé cette organisation discriminatoire. Depuis, les réactions officielles, comme officieuses, s’enchaînent alors que de nombreux autres médias se sont emparés de l’affaire.

Réactions en chaîne

Pour rappel, c’est le système d’autorisations A qui est au cœur du conflit. Celles-ci sont délivrées par le service intercommunal des taxis qui respecte un quota strict de 264 taxis pour toute l’agglomération. Sans ce précieux sésame, impossible de stationner sur les places jaunes réservées qui attirent une partie importante de la clientèle. Par conséquent, de nombreux chauffeurs ne peuvent travailler qu’avec une autorisation B et doivent se contenter de courses commandées sur appel. Un système qui induit une pénurie et créerait diverses injustices et situations de favoritisme illégal.

Insultes et menaces

Selon les échanges d’e-mails que nous nous sommes procurés, la tension entre les chauffeurs de taxis, les associations de chauffeurs ainsi que le service intercommunal est explosive. Certaines pratiques comme la revente au marché noir d’autorisations ou l’utilisation d’autorisations d’autrui sont pointées du doigt dans ce qui commence à ressembler à un vaste règlement de compte. «Maintenant la justice a admis qu’on ne pouvait pas me refuser cette autorisation A, il ne faut plus que les chauffeurs de taxis subissent cet apartheid», clame Pierre-André Giacometti. Plus osé encore, il remet en question l’utilité des grandes compagnies de taxi qui, selon lui, profiteraient du système. D’où un tollé général sur le terrain.

Depuis quelques semaines, certains taxi B, encouragés par la décision de justice, se permettraient même de charger des clients qui attendent sur une zone réservée aux autorisations A. «Si un taxi A arrive à ce moment là, il est fréquent que des conflits éclatent, ce qui est très désagréable pour le client. Certains chauffeurs tentent même de bloquer le véhicule pour l’empêcher de partir», explique Pierre-André Giacometti.

Pas de solutions rapides

De l’aveu même du service intercommunal de gestion des taxis, il ne pourra pas y avoir de solution rapide et drastique pour améliorer le sort des taxis B qui attendent parfois leur autorisation A depuis plus de dix ans. Imposer un tournus, obliger les détenteurs d’autorisation à la céder s’il ne travaille pas suffisamment, ne plus délivrer ces précieuses licences à des compagnies mais uniquement à des indépendants: si chacun propose sa solution, aucune n’arrive à séduire les autorités.

D’autant plus que, malgré la décision de justice d’annuler la validité du refus de l’autorisation A à Pierre-André Giacometti, le service intercommunal ne semble pas plus disposé à la lui accorder maintenant.

Tout laisse donc penser qu’il va continuer davantage à chercher une solution juridique plutôt que de procéder à une modification pratique du système.

En attendant, chacun tente de gagner sa vie le mieux possible dans cette profession qui reste, il faut tout de même le préciser, une source modeste de revenu.