«Rien contre les dealers, mais nous, on nous harcèle!»

Les commerçants du Bourg et de Saint-François tirent la sonnette d’alarme. Ils sont exécédés par les dealers qui leur pourrissent la vie et se disent victimes de tracasseries policières. Municipal en charge de la police, Grégoire Junod, avoue que certains problèmes subsistent, mais réfutent les formules à «l’emporte-pièce».

  •  Scène de rue habituelle, le soir, du côté de Saint-François. VERISSIMO

    Scène de rue habituelle, le soir, du côté de Saint-François. VERISSIMO

«La politique sécuritaire mise en place, ici, c’est du pipeau» Marc, commerçant excédé

Marc (*) est excédé. Plus même, en colère. A l’instar du reste de nombreux de ses collègues commerçants du quartier de Saint-François. L’objet de celle-ci: la situation qui prévaut dans le quartier dès la fin de journée et, surtout, dès la nuit tombée. «C’est le bal incessant des dealers. Que ce soit sur les hauts de la rue de Bourg ou, plus bas, à l’angle de la rue Pépinet et de la Place Saint-Francois, c’est devenu intenable», explique-t-il. «Tu sors pour fumer une cigarette et tu en as cinq qui surgissent de nulle part pour te vendre du hasch ou de la coke.»

Tout aussi remonté, Roger (*), qui a également pignon sur rue dans le quartier, confirme. «Nos clients ont peur. Ils n’hésitent pas à les aborder pour leur proposer des doses. Sans vergogne et aux yeux de tous. La police intervient de temps en temps, mais les types connaissent la musique. Ils s’enfuient à toutes jambes et sont de retour 10 minutes après. C’est juste infernal!»

L’enfer au quotidien

Tous dénoncent une forme de laxisme et fustigent dans le même temps la politique sécuritaire mise en place par la Municipalité. «C’est du pipeau», n’hésitent-ils pas à dire, «des efforts ont peut-être été faits dans d’autres quartiers, mais pas ici où on vit l’enfer au quotidien.» Ceci d’autant plus qu’ils dénoncent dans un même temps ce qu’ils appellent le «deux poids, deux mesures» de la police qui serait beaucoup plus prompte à intervenir quand un établissement a encore 2 ou 3 clients qui tardent à sortir quelques petites minutes après minuit ou un bout de terrasse qui dépasse de 3 centimètres du trottoir, plutôt que de «s’occuper des vrais problèmes». «A croire qu’ils n’attendent que ça pour faire du fric», tonne Marc. Avant d’ajouter: «Ici, on fait vraiment tout pour décourager les commerçants.»

Trop complaisants?

Président de l’Association des commerçants de la rue de Bourg et de Saint-François, Claude Jutzi ne dément pas ces propos. «Dans le quartier, le problème est récurrent. Tout particulièrement dès la nuit tombée», note-t-il. «Même si le phénomène du deal est complexe à régler, on peut dire qu’ici la Ville a une attitude laxiste. Quelques opérations coup de poing pour la façade, mais le reste ne suit pas.» La faute à qui? «A des politiques trop complaisants et trop naïfs qui veulent accueillir la terre entière. Ils voient le dessus de la plaie, mais pas les causes de la gangrène.» Avant de tempérer son propos: «C’est vrai qu’ils se heurtent aussi à des normes pénales insuffisantes.»

Quand on évoque les commerçants qui se plaignent d’être pris dans le filet d’une police tâtillonne, Claude Jutzi sourit: «C’est le sport national. Chercher le détail qui tue le commerçant, c’est bien propre à Lausanne. Mais attention! Il ne faut pas confondre les polices: celle qui chasse les dealers n’est pas celle qui est à l’affût au quotidien d’un manquement au règlement! Reste que cet aspect des choses ajouté à une confrontation quotidienne au monde du deal de la drogue n’aide pas beaucoup à la sérénité. Il faut le vivre, pour le comprendre.»

Oui, mais....

«Ces critiques des commerçants ne sont pas nouvelles. Mais évitons les formules à l’emporte- pièce», répond d’emblée le municipal en charge de la Sécurité publique, Grégoire Junod. «S’agissant du deal, le problème a été dans l’ensemble plutôt bien réglé la journée, ce qui était très important aussi pour le commerce. Mais la situation demeure difficile en soirée, même si la police n’a pas relâché ses efforts dans le domaine. Au contraire, le renforcement progressif des patrouilles le soir doit nous permettre d’être plus présents. Mais la police n’a malheureusement pas toutes les réponses: les prisons sont surchargées, certains renvois de délinquants étrangers sont impossibles, et les requérants d’asile passent énormément de temps en procédure sans droit de travailler, ce qui incite à la délinquance. Ces problèmes dépassent malheureusement les compétences de la Commune».

Pour ce qui concerne les mesures administratives, Grégoire Junod avance des chiffres: «En 2015, il n’y a eu qu’une seule dénonciation pour dépassement d’horaire dans le quartier et pas une seule pour les terrasses. Vous admettrez que l’on est assez loin du harcèlement policier!» Et d’ajouter: « Pour l’ensemble de la Ville, on parle d’une vingtaine de dénonciations. En réalité, Lausanne a une pratique qui s’est plutôt assouplie. Via un nouvel outil informatique, nous avons également considérablement simplifié les procédures de demandes de prolongations d’horaire. La police priorise aussi son activité sur les infractions les plus graves.» Avant de conclure. «Lausanne doit être attentive à soutenir l’activité commerciale en Ville, ceci d’autant plus que les temps sont difficiles pour les commerçants. Quant à la sécurité, nous sommes sur la bonne voie avec une baisse de 30% des vols dans l’espace publics en 2014. La tendance se poursuit d’ailleurs en 2015. Le quartier «Bourg-St-François» connaît la même évolution.»

(*)